La Cour suprême libyenne a invalidé jeudi le Parlement reconnu par la communauté internationale ainsi que toutes les décisions qu'il a prises depuis juin, aggravant encore la crise dans ce pays rongé par les violences.
Cette annonce, qui a surpris les observateurs, illustre l'extrême désordre régnant en Libye, dont la capitale Tripoli est contrôlée par une coalition de milices, Fajr Libya, et où de violents combats secouent Benghazi, la deuxième ville du pays.
Le Parlement élu n'a pas réagi dans l'immédiat, mais des députés ont souligné qu'ils n'allaient probablement pas se soumettre à l'arrêt de la Cour.
"Les députés ne vont pas reconnaître un verdict décidé sous la menace des armes", a averti le député Issam al-Jehani sur sa page Facebook.
La Commission juridique de la Chambre s'est réunie "d'urgence pour examiner la décision de la Cour suprême et donner une réponse officielle", a indiqué le service de presse de la Chambre.
La Cour s'est prononcée sur un recours déposé par un député islamiste qui contestait la constitutionnalité des décisions du Parlement.
Dans son arrêt, lu par son président Kamal Al-Dahan, la Cour s'est également prononcée, contre toute attente, sur un autre recours contestant un amendement de la constitution ayant conduit aux élections du 25 juin et, de ce fait, a annulé ce scrutin et toutes les décisions qui en ont découlé.
La décision est définitive, son effet immédiat et aucun recours n'est possible.
Dès l'annonce de la Cour suprême, des concerts de klaxons et des tirs de joie ont résonné à Tripoli où les miliciens de Fajr Libya fêtaient leur "victoire", a constaté un photographe de l'AFP.
- 'Respecter la décision' -
Le Parlement était contestée par Fajr Libya et par les puissants groupes islamistes qui ont pris Benghazi (est), ville où il devait initialement siéger.
Dominée par les anti-islamistes, l'Assemblée était obligée de se réunir depuis son élection à Tobrouk, dans l'extrême est de la Libye, estimant que sa sécurité ne pouvait être assurée à Benghazi, théâtre de violences quotidiennes.
C'est sur ces considérationsgéographiques que le député islamiste Abderraouf al-Manai, qui boycotte comme d'autres élus le Parlement, a fondé son recours, arguant que le Parlement n'avait pas respecté la Constitution provisoire qui stipule qu'il doit siéger à Benghazi.
M. Manai, ainsi que d'autres députés islamistes, accusent également le Parlement d'avoir outrepassé ses prérogatives en appelant en août à une intervention étrangère en Libye pour protéger les civils, après la prise de la capitale par Fajr Libya.
"J'espère que toutes les parties vont respecter la décision de la justice", a déclaré M. Manai à la chaîne de télévision al-Nabaa.
La plupart des députés qui boycottent le Parlement soutiennent Fajr Libya, qui a formé un gouvernement parallèle connu pour ses sympathies islamistes, tandis que le Congrès général national (CGN, le Parlement sortant) a repris du service.
La Libye est ainsi dotée depuis début septembre de deux gouvernements et deux parlements, ce qui va rendre très complexe l'organisation d'un nouveau scrutin législatif.
Dans une interview à l'AFP, le chef du gouvernement parallèle, Omar al-Hassi, avait appelé dimanche à de nouvelles élections législatives, indispensables selon lui pour mettre fin à l'anarchie.
La décision de la Cour met dans l'embarras la communauté internationale, qui avait reconnu le Parlement désormais invalidé et le gouvernement qui en était issu, tout en refusant toute relation avec le gouvernement parallèle établi à Tripoli.
Cette annonce intervient alors que des violents combats se déroulent depuis plusieurs jours à Benghazi que tentent de reprendre les forces pro-gouvernementales.Ils ont fait plus de trente morts en trois jours, selon des sources médicales.
Mardi, la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont réclamé à un comité du Conseil de sécurité des Nations unies d'ajouter les jihadistes d'Ansar Asharia, l'une des milices contrôlant Benghazi, à la liste noire "terroriste" de l'ONU en raison de leurs liens avec Al-Qaïda.
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