Le Parlement sud-africain s'est saisi jeudi du sort des rhinocéros et a examiné les solutions possibles au braconnage généré par le trafic de cornes, contre lequel les autorités mènent une lutte inégale.
Une audition publique, retransmise en direct sur la chaîne parlementaire, a eu lieu toute la journée au Cap devant les élus de la commission de l'Environnement et de l'Eau, entièrement consacrée au phénomène du braconnage organisé des rhinocéros dans les réserves et parcs nationaux du pays.
Le problème, devenu une cause nationale, a pris depuis 2008 des proportions jugées "alarmantes" par le Parlement.
"Le braconnage existe depuis des temps immémoriaux mais ce qui a changé, c'est son échelle", a souligné Joseph Okori du WWF Afrique du Sud, parmi la vingtaine d'experts entendus lors de cette audition dont le caractère exceptionnel témoigne de l'émotion de l'opinion.Le WWF a enregitré près de 20% de dons en plus en faveur de la protection des rhinocéros l'an dernier.
"On constate une indignation incroyable parmi les Sud-Africains.Des gens n'ayant historiquement rien à avoir avec la protection de la nature sont scandalisés car ils se rendent compte de la valeur des rhinocéros pour le tourisme, pour les emplois que ça crée et pour notre patrimoine national", confiait récemment à l'AFP Pelham Jones, président de l'association des propriétaires privés de rhinocéros.
En deux ans, 781 rhinocéros ont été braconnés, plus d'un par jour, la plupart dans le célèbre parc Kruger où le gouvernement a annoncé récemmment l'envoi d'un renfort de rangers.
Le carnage est alimenté par l'existence d'un marché noir extraordinairement juteux en Asie du Sud-Est, comparable au trafic de drogue.La poudre de corne, considérée comme un remède miracle par la médecine traditionelle, peut se négocier 55.000 dollars le kilo.
"La corne d'un rhinocéros contient seulement de la kératine, de la mélanine et du calcium (...) Mais c'est à se demander si l'on ne ferait pas mieux d'ouvrir une usine de cachets", a ironisé le député ANC Johnny de Lange, qui présidait l'audition.
Plus sérieusement, plusieurs solutions ont été passées en revue, notamment le retour encadré au commerce légal de corne, gelé en Afrique du Sud depuis 2009.
Andrew Muir, président de la Fondation sud-africaine de protection de la vie sauvage, a rappelé que 400 à 500 rhinocéros meurent de mort naturelle chaque année, dont la corne pourrait avantageusement être commercialisée.
Il a aussi réclamé la création, promise de longue date, de registres répertoriant les animaux par leur ADN et la nomination d'un Monsieur Rhino.
"Il faut une volonté politique", a-t-il déclaré, rappelant que l'Afrique du Sud, avec environ 20.000 spécimens, abrite 70 à 80% des rhinocéros du monde: "nous sommes les gardiens" de l'espèce.
Plusieurs organisations ont milité pour une informatisation systématique de toute l'activité liée aux rhinocéros: chasse sportive légale, élevage, ventes inter-réserves, etc.
L'apparente impuissance de la justice face à des braconniers à la solde du crime organisé et dotés d'énormes moyens a aussi été relevée durant l'audition.
"Nous ne parviendrons pas à stopper le braconnage simplement en attrapant les seconds couteaux", a déclaré un député d'opposition, Gareth Morgan (Alliance démocratique, DA) selon lequel ce sont les gros poissons qu'il faut juger.
"Pourquoi les délais d'instruction sont-ils si longs ?", a-t-il aussi interrogé.
Un autre intervenant a également critiqué le faible nombre de personnes incarcérées pour braconnage et le manque de sévérité de la justice sud-africaine, encline à mettre en liberté surveillée les intéressés, après leur arrestation.
Sur le terrain, les propriétaires privés bricolent leurs propres solutions, décornant préventivement leurs bêtes ou s'en débarrassant pour s'éviter des ennuis.
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