La mission militaire que doit lancer l'Union européenne en Centrafrique a du plomb dans l'aile car les Etats, déjà peu enthousiastes pour aider les Français à Bangui, ont le regard rivé sur la crise ukrainienne.
La France a exprimé sans détour son impatience vendredi."Le compte n'y est pas" en ce qui concerne les moyens mobilisés par les Européens, ont regretté les ministres français de la Défense Jean-Yves Le Drian et des Affaires étrangères Laurent Fabius, dans une déclaration commune.
"Si un effort supplémentaire n'est pas réalisé très rapidement, il ne sera pas possible de lancer, comme prévu, cette opération indispensable la semaine prochaine", ont-ils mis en garde.
"L'Union européenne doit assumer ses responsabilités en matière de sécurité internationale.La France appelle vigoureusement ses partenaires à s'en donner les moyens", ont insisté les deux ministres.
Cet avertissement inédit a été lancé alors que les discussions patinent à Bruxelles pour mobiliser les effectifs et les équipements nécessaires à cette mission, Eufor-RCA, pourtant de taille modeste.
L'objectif est en effet de déployer de 800 à 1.000 militaires à Bangui pour une durée de six mois à partir de la fin mars ou du début avril.
Mais, à l'issue d'une quatrième réunion de génération de force jeudi, le commandant de l'opération, le général français Philippe Pontiès, a estimé ne pas être en mesure de la lancer opérationnellement."Il manque encore des moyens logistiques indispensables", a justifié un responsable européen.
Les attentes portent surtout sur des avions de transport pour acheminer les troupes d'Europe à Bangui, et sur des équipements à déployer sur place, à savoir une dizaine de camions, quatre équipes médicales et quatre ambulances, ainsi que des logisticiens et des ingénieurs."Ces besoins ne sont pas énormes mais on ne peut pas mener une telle opération sans eux", a précisé le responsable.
- "La crédibilité" de l'UE en jeu -
Quant aux effectifs, la taille critique pour le lancement de la mission ne serait atteinte que grâce à une forte participation des Français, qui pourraient déployer plusieurs centaines d'hommes, dont certains participent déjà à l'opération Sangaris.
Courant février, il était apparu possible de rassembler plus de soldats que prévu puisque six pays avaient proposé des contributions "substantielles", selon des sources diplomatiques.
Mais, depuis, la crise ukrainienne a changé la donne."Pour certains pays qui étaient prêts à s'engager, la Centrafrique ne représente plus une priorité", explique un diplomate.C'est le cas notamment de pays d'Europe de l'Est, comme la Pologne ou la Roumanie, les plus préoccupés par l'intervention de la Russie en Crimée.
"Face à ce qui se passe en Ukraine, ça devient de plus en plus difficile aux gouvernements de ces pays de justifier l'envoi de soldats en Centrafrique auprès de leur opinion publique, déjà très réticente, alors qu'il y a des bruits de botte à proximité", souligne Arnaud Danjean, président de la sous-commission défense au Parlement européen.
Paradoxalement, Eufor-RCA pourrait finalement être lancée grâce à l'engagement de deux pays du Caucase non-membres de l'UE, la Géorgie, disposée à déployer une centaine d'hommes, et la Moldavie, qui a récemment proposé ses services.
La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a envoyé cette semaine une lettre aux ministres des Affaires étrangères et de la Défense des 28 pour les convaincre d'aider à "surmonter les difficultés et combler les manques" d'Eufor-RCA.Il s'agit, a-t-elle insisté, de "préserver l'image et la crédibilité" de l'UE.
Un abandon de la mission ou une révision à la baisse drastique de ses objectifs porterait en effet un coup dur à la politique commune de sécurité qui essaie de s'affirmer tant bien que mal à Bruxelles.
Il représenterait aussi un camouflet pour la France, qui avait mis la pression en décembre pour que l'Europe s'implique militairement en Centrafrique, moins d'un an après avoir obtenu avec difficulté un soutien au Mali.
"Sur le fond, cette affaire souligne l'isolement de la France en Europe sur les dossiers africains", estime Arnaud Danjean.Elle démontre aussi qu'"une crise comme celle de la Centrafrique devrait être gérée par l'ONU, pas par un pays ou par l'UE", selon l'élu UMP.
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