Il n'y a que six personnes sur les bancs du public dans la salle numéro 23 d'un tribunal de Johannesburg, et pas un journaliste.Loin de la frénésie du procès du champion paralympique Oscar Pistorius, une star, la justice ordinaire avance lentement en Afrique du Sud.
Un juge débordé passe sa matinée à entendre rapidement, puis à ajourner un certain nombre d'affaires, soumis à un barrage procédurier du Parquet.
Comme Oscar Pistorius, Kagisho Phetoe est accusé d'assassinat.
Comme Oscar Pistorius, il plaide non coupable et a été libéré sous caution en attendant la fin de son procès.
Mais les similitudes entre les deux affaires s'arrêtent là.
Kagisho Phetoe, un chômeur de 35 ans, est accusé du meurtre du ressortissant pakistanais Ashok Kapur en novembre 2012, trois mois avant que le champion paralympique n'abatte sa petite amie Reeva Steenkamp.
A peine plus d'un an après les faits, le procès d'Oscar Pistorius a commencé il y a une semaine.Il en est déjà à mi-chemin, et devrait s'achever la semaine prochaine.Celui de Kagisho Phetoe a déjà été retardé à plusieurs reprises.
"Chaque fois que je viens ici, ils me disent qu'ils ne sont pas prêts", soupire-t-il.Il en est à son dixième passage dans le box des accusés.
Il avait un tee-shirt ensanglanté avec lui quand il a été arrêté près des lieux du crime.Le Parquet pense que les tests ADN prouveront sa culpabilité, mais le laboratoire de la police scientifique, débordé, tarde à rendre ses conclusions.
Selon les dernières statistiques du ministre de la Police Nathi Mthethwa, le laboratoire a reçu plus de 200.000 demandes de tests sur une période de six mois en 2012, un chiffre en augmentation de 67% par rapport à l'année précédente.
Autre obstacle, l'absence d'un témoin clef qui a déménagé dans une autre ville.
Après un bref échange entre le juge, le procureur, et son avocat, Kagisho Phetoe est à nouveau prié de revenir plus tard.Cette fois, c'est parce qu'un médecin légiste a été appelé à la barre d'un autre procès, à l'autre bout de la ville.
Pour sa défense, Kagisho Phetoe dépend d'un avocat commis d'office, payé par l'Etat, qui lui dit continuellement qu'il a peu de temps à lui consacrer et doit passer à d'autres affaires.
Il n'en est pas au premier défenseur et n'est pas sûr de le garder jusqu'à la fin de son procès.
Oscar Pistorius, au contraire, s'appuie sur solide équipe de ténors du barreau et d'experts, avec son propre médecin légiste, un géologue, des spécialistes de la balistique...Il a même fait appel à une société d'animation américaine, The Evidence Room, qui a recréé numériquement la scène du crime.
Convaincu qu'il a prémédité le meurtre de Reeva Steenkamp au matin du 14 février 2013, le Parquet sud-africain a également mis les petits plats dans les grands pour convaincre la juge Thokozile Masipa de la culpabilité de l'athlète paralympique.
Il a multiplié les expertises et s'appuie sur l'expérience du procureur Gerrie Nel, l'homme qui a réussi à envoyer en prison le chef de la police et président d'Interpol Jackie Selebi.
Le contraste est grand avec la plupart des procès, qui s'appuient en Afrique du Sud sur un minimum de preuves médico-légales, peut-être un rapport d'autopsie et quelques photos, soupire Stephen Tuson, professeur de droit à l'Université du Witwatersrand de Johannesburg.
Les procureurs et les avocats examinent généralement plusieurs cas par jour.Il n'est donc pas étonnant qu'on leur reproche souvent de survoler quelques affaires.
Le procès d'Oscar Pistorius a mis en lumière un système judiciaire qui favorise les riches, tandis que les plus pauvres attendent longtemps que vienne enfin leur tour.
Les retards de la justice sud-africaine gonflent la population carcérale, et quelque 46.000 personnes doivent patienter en détention provisoire jusqu'au jugement, selon les statistiques officielles (un chiffre qui serait bien plus élevé si de très nombreux justiciables n'étaient pas en liberté sous caution).
Certains attendent leur procès depuis neuf ans.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.