Ce sera tout l'enjeu d'un sommet de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) dédié à "la lutte contre le terrorisme", samedi à Ouagadougou.
La plupart des chefs d'Etat des 15 pays de la Cédéao - rejoints pour l'occasion par Mauritanie, Tchad et Cameroun - devraient être présents.
Lancée en 2015 et réactivée en 2017, la force G5-Sahel, comprenant des troupes de la Mauritanie, du Mali, du Niger, du Burkina et du Tchad, devait comprendre 5.000 hommes.Elle ne compte aujourd'hui que 4.000 soldats.
L'idée de cette force, poussée par la France, était de faire monter en puissance les armées régionales pour épauler, voire à terme remplacer l'armée française, qui conduit au Sahel l'opération Barkhane (4.500 militaires) contre les jihadistes depuis 2014 dans le prolongement de l'intervention menée dans le Nord malien l'année précédente.
Or, aujourd'hui, les résultats sont si minces que même le secrétaire général de l'ONU ne s'embarrasse guère de périphrase: "Nous ne sommes pas en train de gagner la guerre au Sahel", a déclaré récemment Antonio Guterres.
Auteur de "La Cédéao face au terrorisme transnational", l'expert Lassina Diarra est encore plus catégorique.Pour lui, les chefs d'Etats réunis dans la capitale burkinabè devraient "célébrer les funérailles du G5-Sahel".
"Quel est le résultat opérationnel du G5?Qu'est-ce qu'il a apporté?Le peu qui a été décaissé (en sa faveur) a servi en frais de réunion, d'hôtel, de fonctionnement...Le G5 est presque à genoux", renchérit Mahamadou Savadogo, chercheur au Cerrad (Carrefour d'études et de recherche d'action pour la démocratie et le développement), de l'université Gaston-Berger au Sénégal.
- "Coalition internationale" -
"Malgré un engagement et des investissements internationaux significatifs, la violence extrémiste s'étend.Le nombre recensé d'attaques liées aux groupes islamistes au Sahel a doublé tous les ans depuis 2016 pour atteindre 465 en 2018", soit plus d'un par jour, souligne le think-tank américain Center for Strategic and International Studies (CSIS).
Et les conséquences humanitaires sont ravageuses.Dans la zone, "13 millions de personnes ont actuellement besoin d'assistance", a souligné Oxfam.L'ONG évoque "des besoins massifs et continus en assistance alimentaire, en eau potable, hygiène et assainissement, en abris, en santé, en protection et en éducation".Des centaines de milliers de personnes ont dû quitter leur foyer.
Conscient des limites de la force, le président nigérien Mahamadou Issoufou a lui-même appelé en juillet à la formation d'une "coalition internationale" sur le modèle de celle qui a lutté contre le groupe Etat islamique en Irak et en Syrie.
"La Minusma (Mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation pour le Mali, 13.000 hommes) et le G5-Sahel ne suffisent pas.Nous devons trouver des moyens de coordination plus élargis et plus efficaces", constate le président ivoirien Alassane Ouattara.Son pays a subi une attaque jihadiste dans la cité balnéaire de Grand-Bassam en 2016 et a récemment vu toute sa frontière nord classée orange (déconseillée sauf raison impérative) par le ministère français des Affaires étrangères.
- Pays côtiers -
"Les pays de la Cédéao ont compris qu'il fallait dépasser le cadre sahélien", juge Lassina Diarra.
"Les pays côtiers se sont emparés du problème.On va modifier la structure (du G5-Sahel), peut-être en sauvant les apparences", estime M. Savadogo.
Il faut "changer de méthode et d'échelle", a lui aussi insisté le président Français Emmanuel Macron lors du G7 fin août en France.
"Encore un sommet, une réunion, une rencontre où l'on appelle à plus de coopération...Peut-être.Mais, là au moins on voit qu'il y a un changement", souligne une source sécuritaire française avant le rendez-vous de Ouagadougou.
Le G5 "pourra utilement servir dans le futur de base de référence afin de constituer un cadre plus large de collaboration entre tous les pays concernés par cette crise", avance Maman Sambo Sidikou, secrétaire permanent du G5-Sahel, appelant "urgemment à une mutualisation efficiente de nos moyens".
"Il y a beaucoup d'avantages à voir les pays côtiers se saisir du dossier.Ils ont des économies plus riches, et ils sont en mesure de mieux attirer les bailleurs internationaux" pour la sécurité comme pour le développement, conclut M. Savadogo.
Car chercheurs, responsables politiques, ONG et même soldats s'accordent sur une chose: "la solution ne peut pas être que militaire".
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