La rébellion touareg du Mali a proclamé vendredi l'indépendance du territoire de l'Azawad dans le Nord, condamnée à l'étranger, renforçant la confusion qui règne dans cette vaste zone dominée par des groupes armés islamistes et criminels, au bord du "désastre humanitaire".
La proclamation d'indépendance faite par un porte-parole en France du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), Mossa Ag Attaher, "officialise" la division du Mali: une partie sud contrôlée par des militaires putschistes isolés et impuissants, une partie nord en proie à l'anarchie.
Très vite, l'Union africaine (UA), l'Union européenne (UE), les Etats-Unis, des pays voisins du Mali et la France, ex-puissance coloniale, ont rejeté cette déclaration unilatérale comme "nulle et non avenue" ou "sans aucune valeur", selon Jean Ping, président de la Commission de l'UA.
Il a appelé "toute la communauté internationale à soutenir pleinement cette position de principe de l'Afrique".
Des responsables touareg du Niger, dont d'anciens chefs rebelles, ont également condamné cette proclamation.
"Nous proclamons solennellement l'indépendance de l'Azawad à compter de ce jour", a déclaré Mossa Ag Attaher sur la chaîne France 24 en des termes identiques à ceux d'un communiqué publié par le MNLA sur son site internet.
L'Azawad, immense territoire aride d'une surface équivalente à celle de la France et de la Belgique réunies, est situé au nord du fleuve Niger et comprend les trois régions administratives de Kidal, Tombouctou et Gao.
Après le coup d'Etat militaire qui a renversé le 22 mars le président Amadou Toumani Touré, ces régions sont tombées aux mains du MNLA, du mouvement islamiste Ansar Dine (Défenseurs de l'islam) appuyé par des éléments d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et d'autres groupes criminels.
Les islamistes et des groupes criminels ont très vite pris le dessus sur le MNLA, selon divers témoignages, relativisant la déclaration unilatérale d'indépendance des rebelles touareg qui ne semblent pas en mesure de contrôler "leur" territoire.
Mossa Ag Attaher a affirmé à l'AFP que le MNLA serait prêt à combattre Aqmi dans le cadre de la mise en place "d'un partenariat international".
Omar Hamaha, chef militaire d'Ansar Dine, qui a pris le contrôle de Tombouctou, a, lui, affirmé mener une guerre "contre l'indépendance" de l'Azawad et "pour l'Islam", dans une déclaration publique dont l'AFP s'est procuré les images.
"Notre guerre, c'est une guerre sainte, une guerre légale, au nom de l'islam.Nous sommes contre les rebellions.Nous sommes contre les indépendances", a-t-il dit.
Les voisins du Mali membres de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) qui ont imposé un embargo diplomatique et économique total au Mali quelques jours après le coup d'Etat, ont toujours clamé leur attachement à l'intégrité territoriale de ce pays.
Il envisagent d'y envoyer une force militaire de 2.000 à 3.000 hommes pour la préserver: les chefs d'état-major des armées de la Cédéao, réunis jeudi à à Abidjan, ont élaboré un "mandat" pour cette force.
Effets combinés dévastateurs
L'Algérie, voisin du nord et puissance militaire régionale dont six diplomates ont été enlevés jeudi à Gao, "n'acceptera jamais une remise en cause de l'intégrité territoriale du Mali", a déclaré le Premier ministre Ahmed Ouyahia au journal Le Monde.
Alger a annoncé une réunion des ministres des Affaires étrangères d'Algérie, du Niger et de la Mauritanie dimanche à Nouakchott pour discuter de la situation, en l'absence de représentants du Mali.
Il y a urgence: les effets combinés de la sécheresse, des violences et des graves atteintes aux droits de l'homme commises dans le Nord font que cette région est "au bord du désastre humanitaire", selon Amnesty International.
Le front antijunte, qui regroupe partis politiques et organisations de la société civile, a appelé l'ONU à intervenir d'urgence "pour éviter une catastrophe humanitaire" en particulier à Gao où "des menaces d'interruption des fournitures d'eau et d'électricité planent" et où "des enlèvements de petites filles sont également signalés".
Des centaines de jeunes, pour la plupart natifs du nord du Mali, ont manifesté vendredi à Bamako pour dénoncer des "ignominies" commises dans leur région et réclamé des armes pour aller la défendre.
Oxfam "craint que la combinaison des conséquences dévastatrices des combats et de l'insécurité ainsi que l'aggravation de la situation alimentaire ne produise un plus grand nombre de réfugiés dans la région", où il y a déjà plus de 210.000 réfugiés et déplacés depuis le déclenchement de la rébellion du MNLA mi-janvier.
World Vision craint aussi "l'impact négatif et de grande envergure" des sanctions sur les démunis.
Ces deux ONG demandent la levée de l'embargo de la Cédéao, car "la fermeture des frontières signifie que les prix des denrées alimentaires, déjà élevés, vont encore augmenter et être hors de portée des plus pauvres", selon World Vision.
Une mission de la Cédéao conduite par le ministre burkinabé des Affaires étrangères Djibril Bassolé, se trouvait toujours vendredi à Bamako pour des pourparlers avec la junte.Elle demande à son chef, le capitaine Amadou Sanogo, un retour à l'ordre constitutionnel en échange de la levée de l'embargo.
L'ex-Premier ministre malien Modibo Sidibé, détenu plusieurs jours au moment du coup d'Etat, a de nouveau été interpellé vendredi à Bamako et conduit au quartier général des putschistes, selon ses proches
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