La junte militaire au Mali s'est engagée vendredi soir à remettre le pouvoir aux civils dans le cadre d'un accord avec la Cédéao, qui a menacé de recourir à la force pour préserver "l'intégrité territoriale" du pays après la déclaration d'indépendance du territoire de l'"Azawad", au Nord, par un mouvement de la rebellion touareg.
"Nous sommes parvenus à un accord, accord qui permettra dans les heures et les jours à venir de mettre effectivement en place les organes prévus par la Constitution et qui fonctionneront de manière régulière", a annoncé à la télévision publique ORTM le ministre burkinabè des Affaires étrangère, Djibrill Bassolè, au nom de la la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao).
Il s'exprimait à Kati, le QG de la junte, près de Bamako, après la lecture par le chef de la junte malienne, le capitaine Amadou Sanogo, de l'intégralité de "l'accord-cadre" de cinq pages prévoyant un président intérimaire en la personne du président de l'Assemblée nationale, un Premier ministre et un gouvernement de transition ainsi qu'une future loi d'amnistie pour les putschistes.
Le parlement malien (monocaméral) est actuellement présidé par Dioncounda Traoré, qui était vendredi soir à l'étranger, d'après diverses sources.
L'accord stipule encore que le président intérimaire aura "comme mission d'organiser une élection présidentielle dans le délai constitutionnel de 40 jours".
La Cédéao a également demandé que le président malien Amadou Toumani Touré, renversé le 22 mars par la junte, soit protégé et libre du choix de sa résidence, a ajouté le ministre burkinabè, représentant du médiateur dans la crise malienne.
Le président en exercice de la Cédéao, l'Ivoirien Alassane Ouattara, a demandé la levée "immédiate" des sanctions de cette organisation contre le Mali à la suite de l'accord, a encore annoncé M. Bassolé.La Cédéao a imposé un embargo diplomatique et économique total au Mali.
Réunie à Abuja, la capitale nigériane, la Cédéao a menacé d'autre part vendredi de recourir à la force pour préserver "l'intégrité territoriale" du Mali après la déclaration d'indépendance du territoire de l'"Azawad", qu'elle rejette totalement.
Dans un communiqué, elle "rappelle à tous les groupes armés du Nord du Mali que le Mali est +un et indivisible+ et qu'elle usera de tous les moyens, y compris le recours à la force, pour assurer l'intégrité territoriale du Mali".
L'organisation ouest-africaine - 15 membres, Mali compris- envisage depuis le coup d'Etat d'y envoyer une force militaire de 2.000 à 3.000 hommes.Les chefs d'état-major des armées de la Cédéao, réunis jeudi à Abidjan, ont élaboré un "mandat" pour cette force, qui reste à valider par les chefs d'Etat.
La Cédéao "dénonce" et juge "nulle" la proclamation de l'indépendance de l'Azawad, vaste zone dominée par des groupes armés islamistes et criminels, selon les termes de son communiqué.Elle "réaffirme son attachement à l'unité et à l'intégrité territoriale" du Mali.
La proclamation de l'indépendance de l'Azawad a renforcé la confusion règnant dans cette vaste zone, au bord du "désastre humanitaire", qui compte plus de 210.000 réfugiés et déplacés depuis le déclenchement de la rébellion du MNLA mi-janvier.
La proclamation d'indépendance, faite par un porte-parole en France du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), Mossa Ag Attaher, "officialise" la division du Mali entre le sud des militaires putschistes et le nord en proie à l'anarchie.
"Nous proclamons solennellement l'indépendance de l'Azawad à compter de ce jour", a déclaré Mossa Ag Attaher sur la chaîne France 24 en des termes identiques à ceux d'un communiqué publié par le MNLA sur son site internet.
Très vite, l'Union africaine (UA), l'Union européenne (UE), les Etats-Unis, des pays voisins du Mali et la France, ex-puissance coloniale, ont rejeté cette déclaration unilatérale comme "nulle et non avenue" ou "sans aucune valeur", selon Jean Ping, président de la Commission de l'UA.
Des responsables touareg du Niger, dont d'anciens chefs rebelles, ont également condamné cette proclamation.
L'Azawad, immense territoire aride d'une surface équivalente à celle de la France et de la Belgique réunies, est situé au nord du fleuve Niger et comprend les trois régions administratives de Kidal, Tombouctou et Gao.
Après le coup d'Etat militaire, ces régions sont tombées aux mains du MNLA, du mouvement islamiste Ansar Dine (Défenseurs de l'islam) appuyé par des éléments d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et d'autres groupes criminels.
Les islamistes et des groupes criminels ont très vite pris le dessus sur le MNLA, selon divers témoignages, relativisant la déclaration unilatérale d'indépendance des rebelles touareg, qui ne semblent pas en mesure de contrôler ce territoire.
Mossa Ag Attaher a affirmé à l'AFP que le MNLA serait prêt à combattre Aqmi dans le cadre de la mise en place "d'un partenariat international".
Omar Hamaha, chef militaire d'Ansar Dine, qui a pris le contrôle de Tombouctou, a, lui, affirmé mener une guerre "contre l'indépendance" de l'Azawad et "pour l'Islam", dans une déclaration publique dont l'AFP s'est procuré les images.
"Notre guerre, c'est une guerre sainte, une guerre légale, au nom de l'islam.Nous sommes contre les rebellions.Nous sommes contre les indépendances", a-t-il dit.
Effets combinés dévastateurs
L'Algérie, voisin du nord et puissance militaire régionale dont six diplomates ont été enlevés jeudi à Gao, "n'acceptera jamais une remise en cause de l'intégrité territoriale du Mali", a déclaré le Premier ministre Ahmed Ouyahia au journal Le Monde.
Alger a annoncé une réunion des ministres des Affaires étrangères d'Algérie, du Niger et de la Mauritanie dimanche à Nouakchott pour discuter de la situation, en l'absence de représentants du Mali.
Il y a urgence: les effets combinés de la sécheresse, des violences et des graves atteintes aux droits de l'homme commises dans le Nord font que cette région est "au bord du désastre humanitaire", selon Amnesty International.
Le front antijunte, qui regroupe partis politiques et organisations de la société civile, a appelé l'ONU à intervenir d'urgence "pour éviter une catastrophe humanitaire" en particulier à Gao où "des menaces d'interruption des fournitures d'eau et d'électricité planent" et où "des enlèvements de petites filles sont également signalés".
Des centaines de jeunes, pour la plupart natifs du nord du Mali, ont manifesté vendredi à Bamako pour dénoncer des "ignominies" commises dans leur région et réclamé des armes pour aller la défendre.
L'ex-Premier ministre malien Modibo Sidibé, détenu plusieurs jours au moment du coup d'Etat, a été brièvement interpellé vendredi à Bamako et relâché ensuite, selon ses proches
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