Plus que jamais, à l'heure où la jeunesse arabe se révolte contre l'ordre ancien, les jeunes marocains boudent les partis et la politique traditionnels, malgré les appels, lancés notamment par le roi Mohammed VI, à leur participation.
Dans un discours prononcé le 20 août, le souverain a appelé les partis politiques à "donner leur chance aux jeunes (...) pour favoriser l'émergence d'élites qualifiées, à même d'apporter du sang neuf à la vie politique".
Mais les jeunes marocains - plus de 70% de la population à moins de 40 ans - se manifestent peu dans les urnes: aux dernières élections communales, en juin 2009, le taux de participation des jeunes n'avait pas dépassé 30%.
"En France on dit qu'il n'y a pas assez de jeunes en politique, mais on dit aussi que la France est un pays assez vieux.Ce n'est pas le cas du Maroc qui est très jeune alors que la plupart des dirigeants des partis sont âgés", estime le chercheur Pierre Vermeren, spécialiste du royaume.
"L'autre constat frappant est que ce corps électoral au Maroc est très faible: sur 32 millions d'habitants, il y a à peine 12 millions d'inscrits.Cela signifie que 10 millions de personnes sont dans la nature, parmi lesquels sans doute des millions de jeunes", poursuit-il.
Selon une enquête réalisée en mai dernier par le ministère de la Jeunesse, 69% des jeunes marocains pensent que "les partis ne font rien pour eux".Et 48% ne considèrent pas la participation aux élections comme "prioritaire".
Pour les observateurs, l'absence d'un discours partisan qui intéresse les jeunes, "la nature du régime politique" marocain, et les carences du système éducatif sont parmi les raisons de cette désaffection.
Des jeunes désillusionnés
"Le programme et les discours des partis ne me parlent pas.Ils se contentent d'encadrer les citoyens car l'institution monarchique est le véritable acteur du jeu politique.Ils (les partis) sont davantage des associations que des partis", dit Ouidade Melhaf, 23 ans, du Mouvement du 20 février.
Né dans le tumulte du printemps arabe, ce mouvement, qui a réussi à faire descendre des dizaines de milliers de personnes dans la rue, revendique des réformes politiques profondes au Maroc.Mais sa capacité à mobiliser d'immenses masses comme dans d'autres pays arabes n'a pas été encore démontrée.
"C'est une génération qui a besoin d'une nouvelle manière d'aborder des questions contemporaines comme la place de la religion, la monarchie, l'équilibre des pouvoirs", souligne Abdelkader Amara, 49 ans, député du parti islamiste Justice et développement (PJD, opposition parlementaire).
"Notre parti doit s'adapter à cette réalité et à mon avis, malheureusement, il ne le fait pas assez", s'inquiète-t-il.
La nature du régime politique marocain contribue également à la désaffection des jeunes.
"Les jeunes savent que l'essentiel du pouvoir est entre les mains du Palais, et que les partis politiques jouent souvent un rôle de figurants", selon M. Vermeren.
"L'institution monarchique est le véritable chef de l'exécutif.Conséquence: les partis, qui composent l'essentiel du gouvernement, s'en trouvent marginalisés", souligne pour sa part l'universitaire Mehdi Lahlou.
Quatorze organisations de jeunesse appartenant à des partis politiques ont appelé la semaine dernière à l'instauration au Maroc d'un quota de jeunes sur les listes électorales pour les législatives anticipées du 25 novembre afin de contribuer au rajeunissement de la classe politique.
Une révision de la Constitution renforçant certains pouvoirs du Premier ministre, tout en maintenant la prééminence politique et religieuse du roi, a été adoptée par référendum le 1er juillet.
Dans ce contexte, les prochaines législatives auront sans doute valeur de test pour la jeunesse.
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