Si le Maroc reste largement épargné par les violences islamistes, sa réaction particulièrement vive à la diffusion d'une vidéo d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) traduit une préoccupation grandissante face à la menace terroriste.
La vidéo d'une quarantaine de minutes, intitulée "Maroc: le royaume de la corruption et du despotisme", fustige la monarchie marocaine et appelle au jihad, ce qui constitue une première.
Pour avoir publié un lien vers le site internet du quotidien El Pais où la vidéo était disponible, un journaliste de renom, Ali Anouzla, a été arrêté le 17 septembre.Quelques jours plus tard, il a été inculpé pour "aide matérielle", "apologie" et "incitation au terrorisme".
M. Anouzla dirige la version arabophone du site d'informations indépendant Lakome, qui a rappelé que le journaliste avait signalé qu'il s'agissait d'une "vidéo de propagande".Mais Rabat a aussi menacé de poursuivre El Pais en justice.
La fermeté des autorités marocaines traduit leur volonté de réaffirmer une tolérance zéro vis-à-vis des jihadistes, au moment où des Marocains combattent le régime syrien de Bachar al-Assad aux côtés des islamistes, estiment des experts.
"La réaction du royaume reflète vraisemblablement ses craintes (...) quant au nombre de Marocains rejoignant le conflit en Syrie, sachant qu'il était considéré comme relativement épargné", explique Vish Sakthivel, du Washington Institute, un think-tank américain.
Le nombre de ces combattants est difficile à évaluer, mais il pourrait y avoir jusqu'à un millier de Marocains en Syrie, et près de 90 sont morts au combat, selon des chiffres officiels.
"Les jihadistes reviennent au Maroc avec un entraînement et une nouvelle idéologie plus radicale qui constituent une menace pour l'Etat" marocain, avance un spécialiste de l'Afrique du Nord, William Laurence.
"Le Maroc va faire tout ce qu'il peut pour interrompre le recrutement en cours, afin d'éviter que des personnes acquièrent une expérience et reviennent avec", ajoute-t-il, assurant que la Tunisie et l'Algérie font face à des préoccupations similaires.
De leur côté, les autorités marocaines se félicitent de leur capacité à limiter la structuration de groupes extrémistes locaux, grâce à une politique sécuritaire préventive sans concession.
En septembre, un tribunal de Salé, près de Rabat, a condamné à des peines de prison neuf Marocains membres d'un groupe jihadiste peu connu, arrêtés fin 2012 et accusés d'avoir planifié des attaques dans plusieurs villes du royaume.
Annonçant en janvier le démantèlement d'une cellule de recrutement d'Al-Qaïda, le ministère de l'Intérieur avait toutefois reconnu que la "prolifération" de ces réseaux constituait une "source d'inquiétude".
Salafistes en ligne de mire
Dans le même temps, le Maroc se félicite de pratiquer un islam modéré et de bénéficier d'une stabilité rare à l'échelle régionale, deux composantes essentielles pour garder la confiance des touristes occidentaux, un secteur vital pour l'économie nationale.
Mais les attentats de Casablanca -- 33 morts en 2003 -- et ceux de Marrakech -- 17 morts en 2011 -- rappellent que le Maroc n'est pas épargné par la violence jihadiste.
Dans le sillage du Printemps arabe en 2011, le roi avait décidé de libérer des dizaines d'islamistes, dont quatre responsables salafistes radicaux, qui avaient été emprisonnés en lien avec les attentats de Casablanca.
Des militants des droits de l'Homme et des proches continuent toutefois de dénoncer la détention de centaines d'islamistes qui n'ont, selon eux, jamais commis de crime.
A l'heure actuelle, plusieurs observateurs estiment que le salafisme --branche ultra-conservatrice de l'islam sunnite-- est plus influent que jamais au Maroc.
La plupart des salafistes du royaume suivent la version "traditionnelle" et généralement pacifique de la mouvance.Les éléments radicaux, moins nombreux, ont néanmoins tendance à devenir de plus en plus actifs.
Les salafistes "ne sont pas une menace pour l'Etat marocain qui est puissant.Mais ils ont une idéologie radicale susceptible de mobiliser des personnes pour mener des attaques", estime Abdullah Rami, un expert des mouvements islamistes.
Interrogé par l'AFP, Hassan Kettani, un des responsables salafistes libérés en 2012, assure pour sa part ne pas être favorable à la violence.
Mais "si quelqu'un soutient ceux qui combattent Bachar al-Assad, pourquoi devrait-il être emprisonné s'il est islamiste et n'avoir aucun problème s'il est athée, communiste ou n'importe quoi d'autre?", ajoute-t-il.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.