Une partie de l'opposition camerounaise, mais aussi de nombreux témoins interrogés par des ONG ont accusé des militaires camerounais d'avoir perpétré vendredi cette tuerie dans un quartier de la localité de Ntumbo, située dans la région anglophone du Nord-Ouest.
Des accusations démenties par l'armée camerounaise dans un communiqué lundi, qui invoque "un malheureux accident" et parle de cinq victimes civiles, tout en annoncant avoir ouvert "une enquête approfondie".
"Nous pressons les autorités de s'assurer que l'enquête sera indépendante, impartiale et complète, et que les responsables rendent des comptes", a déclaré mardi le Haut-Commissariat de l'ONU pour les droits de l'Homme (HCDH) dans un communiqué.
La France, allié traditionnel de Yaoundé, a condamné mardi "les violences".Le ministère des Affaires étrangères a demandé que "toute la lumière soit faite sur cet événement tragique et que les responsables répondent de leurs actes".
Depuis près de trois ans, un conflit meurtrier oppose les forces de sécurité camerounaises à des groupes armés anglophones séparatistes dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, peuplées principalement par la minorité anglophone camerounaise.Les deux camps sont accusés de perpétrer des crimes et exactions contre des civils.
A Ntumbo, 23 personnes ont été tuées, dont deux femmes enceintes et 15 enfants, selon un dernier bilan communiqué par l'ONU.Neuf d'entre eux avaient moins de cinq ans.
Des témoins ont rapporté à l'ONU que "40 hommes armés, dont des membres des forces de défense et de sécurité" avaient attaqué le quartier Ngarbuh "tirant sur les habitants et brûlant des maisons".
- 700.000 déplacés -
L'armée camerounaise décrit, elle, un tout autre scénario.Elle affirme que six militaires patrouillant dans le village ont été la cible de tirs nourris de "terroristes" et que les combats ont entraîné l'explosion de réservoirs de carburant, provoquant un incendie qui a tué "une femme et quatre enfants".L'armée assure aussi avoir "mis hors d'état de nuire" sept "terroristes".
Ce conflit qui dure depuis près de trois ans, a fait plus de 3.000 morts et forcé près de 700.000 personnes à fuir leur domicile.Selon les ONG internationales, les populations sont les premières victimes de ce conflit.
"Nous appelons le gouvernement à s'assurer que les forces de sécurité se conforment au normes légales internationales applicables quand elles mènent des opérations", a demandé mardi l'ONU dans son communiqué, exhortant également les groupes armés à respecter "la loi internationale".
Après presque trois ans d'inaction, Yaoundé s'était résolu, sous la pression internationale, à organiser en octobre dernier un Grand dialogue national pour tenter de mettre fin à la crise.
Mais boycotté par les groupes armés, il n'a pas permis de ramener la paix dans ces deux régions.
Les violences se sont même multipliées, selon les rapports de plusieurs ONG, notamment avant la tenue le 9 février dernier des élections législatives et municipales.
"Les violences n'ont pas cessé", ont déploré lundi 16 évêques catholiques de différents pays du monde, dans une lettre adressée au président Paul Biya, 86 ans dont 37 au pouvoir.Ces derniers exhortent son gouvernement à participer à des pourparlers avec les séparatistes.
- Médiation suisse -
"Il n'y aura pas de victoire militaire pour aucun des côtés", écrivent-ils."Une solution durable doit venir d'un processus de médiation qui inclut autant les groupes séparatistes armés anglophones que les représentants de la société civile non violents", ajoutent les évêques, appelant Yaoundé à participer aux discussions proposées par la Suisse.
Depuis plusieurs mois, la diplomatie suisse tente de susciter des discussions entre Yaoundé et les séparatistes anglophones.
Au Cameroun, la société civile continuent elle aussi de mettre la pression sur Yaoundé.
Mardi, le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (Redhac) a exhorté le président Biya à "déclarer un cessez-le-feu dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest" et à libérer les séparatistes emprisonnés pour permettre "des négociations saines et vraiment inclusives".
L'organisation s'est également inquiétée dans son communiqué de l'intensification des violences dans l'Extrême-nord du pays, où le groupe jihadiste Boko Haram multiplie les attaques.
Depuis 2014, l'armée tente, avec l'aide de groupes d'auto-défense, d'éradiquer ce groupe qui pille, tue et terrorise les populations.Mais des exactions de militaires contre des civils ont été aussi relevées par des ONG.
Hasard du calendrier, lundi, le procès des sept militaires accusés d'avoir exécuté en 2015 dans cette région deux femmes et leurs bébés, a repris avant d'être renvoyé au 2 mars, selon des sources judiciaires.
Ouvert en juillet 2019, ce procès a été ajourné à plusieurs reprises.A l'époque de ces assassinats, révélés par une vidéo, le gouvernement avait parlé de "fake news" et d'"horrible trucage", avant de se rétracter et d'arrêter les sept militaires.
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