La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, devait plaider lundi devant le Conseil de sécurité des Nations unies pour une mission navale destinée à lutter contre le trafic des migrants en Méditerranée, après une série de naufrages dramatiques qui a poussé l'UE à réagir.
L'Italienne a dit sa "honte que l'Europe se réveille quand elle est confrontée à des morts" alors que depuis le début de l'année, quelque 1.770 migrants, hommes, femmes et enfants, sont morts ou disparus en Méditerranée, selon l'Organisation internationale des migrations (OIM).
Réunis en urgence le 23 avril après un naufrage qui avait fait 800 morts, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE ont demandé à Mme Mogherini de préparer une mission militaire pour "capturer et détruire les embarcations avant qu'elles ne soient utilisées" par les passeurs en Libye, "dans le respect du droit international".
Les Européens espèrent intensifier leur traque et arraisonner des embarcations dès le mois de juin, selon une source diplomatique, mais sans aller dans l'immédiat jusqu'à des destructions de bateaux sur les côtes libyennes.
Une telle mission contre des trafiquants opérant depuis un pays en plein chaos, à laquelle participeraient des bâtiments de guerre de plusieurs pays européens, serait une première.
L'UE demande une résolution de l'ONU car cette opération militaire suppose d'entrer dans les eaux territoriales de la Libye et d'arraisonner des bateaux qui battent pavillon étranger, ce qui est interdit par le droit de la mer.
Il s'agit notamment de repérer les bateaux utilisés par les passeurs pour tracter jusqu'en haute mer les embarcations de fortune chargées de centaines de migrants, ensuite laissées à la dérive, ce qui revient pour les trafiquants à sous-traiter aux autorités italiennes leur sauvetage puis leur transfert en Europe, a expliqué un diplomate européen.
- "Caresser les Russes" -
Les ministres européens des Affaires étrangères et de la Défense pourraient entériner le principe de cette mission lors d'une réunion conjointe prévue le 18 mai.Mais selon un autre diplomate, ils n'auront pas obtenu d'ici là un vote du Conseil de sécurité, car "il faut encore caresser les Russes dans le bon sens".
La Russie a exprimé son opposition à des opérations commando pour détruire des navires dans les eaux libyennes ou dans les ports, mais son ambassadeur auprès de l'Union européenne, Vladimir Chizhov, a laissé entendre qu'une opération qui se limiterait à arrêter et saisir les navires des passeurs pourrait recevoir son aval.Mme Mogherini devra aussi convaincre la Chine, autre membre permanent du Conseil de sécurité.
En attendant ce feu vert, les Européens ont déjà convenu d'intensifier le partage du renseignement sur les réseaux de trafiquants, en complétant les écoutes et informations glanées en Méditerranée par une surveillance aérienne et par radar.Ils peuvent aussi s'attaquer aux embarcations n'affichant aucun pavillon.
Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, doit par ailleurs présenter mercredi un plan d'action sur l'immigration qui fait fi de l'opposition de nombre de capitales et de certains commissaires.Il propose d'établir des filières d'immigration économique légales ou d'imposer des quotas par pays pour l'accueil de réfugiés, en fonction du PIB, de la population, du taux de chômage et du nombre de réfugiés déjà installés.
Mme Mogherini plaide depuis des mois pour que l'Union européenne "prenne ses responsabilités" face au drame des migrants, tout en appelant de ses v�?ux la formation d'un gouvernement d'unité nationale en Libye, dirigé par deux parlements et gouvernements rivaux.Ceux-ci sont en pourparlers depuis des mois sous l'égide de l'émissaire de l'ONU Bernardino Leon.
"Il faut résoudre le problème de la Libye car, tant qu'il ne sera pas résolu, il y aura là un corridor incontrôlé, parfait pour tous ceux qui veulent se livrer au trafic de migrants", a insisté Mme Mogherini vendredi.L'UE a déjà promis d'aider un gouvernement d'unité libyen s'il était formé.Elle étudie différentes mesures de soutien, y compris une sécurisation de sites sensibles comme des bâtiments officiels, des ports et aéroports.
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