En mettant subitement fin à la subvention de l'essence, le président du Nigeria a récolté une grève générale et l'ire de dizaines de milliers de ses concitoyens, leur offrant une rare occasion d'exprimer collectivement d'énormes frustrations accumulées.
Au terme de huit jours de grève générale, Goodluck Jonathan a dû faire machine arrière et concéder lundi une baisse de 30% du prix du litre d'essence qui avait plus que doublé après l'annonce le 1er janvier de la fin des subventions.
Syndicats et manifestants n'ont pas obtenu le retour au prix initial mais, soulignent des analystes, ils sont parvenus à se faire entendre à l'intérieur du pays le plus peuplé d'Afrique où la majorité vit avec moins de deux dollars par jour.
Attendant peu de leurs dirigeants souvent accusés de corruption, et ayant vécu de nombreuses dictatures militaires avant le retour au régime civil en 1999, beaucoup de Nigérians ont aussi constaté ces derniers jours qu'ils pouvaient exiger des réponses et imposer le changement.
"Les gens ont réalisé qu'ils ont maintenant le pouvoir", estime Thompson Ayodele, du centre de réflexion Initiative for Public Policy Analysis.
Par dizaines de milliers, Nigérians et Nigérianes sont descendus dans la rue du 9 au 16 janvier, en particulier dans la capitale économique Lagos, et ont paralysé le pays avec une grève qui a coûté environ 1,3 milliard de dollars au premier producteur de pétrole d'Afrique.
Pour Sola Oluwadare, de l'African Institute for Applied Economics "les gens ne vont pas reculer, ils vont exiger plus du gouvernement".
Si la flambée du prix de l'essence a déclenché grève et manifestations, elle a aussi été la goutte qui a fait déborder un vase plein des maux qui minent le quotidien des Nigérians.
Chômage élevé, routes en mauvais état, absence d'électricité: beaucoup ont dénoncé pendant une semaine la corruption qui entrave largement le développement du pays.
D'importantes manifestations ont déjà eu lieu dans le passé au Nigeria, comme en 1993 après l'annulation de l'élection présidentielle.Mais des observateurs ont jugé les récents rassemblements sans précédent, soulignant par exemple l'unité qui y a été affichée alors que le pays connait d'importantes divisions ethniques et religieuses.
Ces manifestations, largement pacifiques, ont aussi été mieux organisées, notamment grâce aux réseaux sociaux sur internet comme Twitter.Certains ont été inspirés par le Printemps arabe et par le mouvement Occupy Wall Street aux Etats-Unis.
Le chef de l'Etat, élu en avril 2011, a perdu en crédibilité et en popularité en annonçant la fin des subventions à un moment particulièrement mal choisi et sans en avoir averti auparavant les Nigérians, soulignent les observateurs.
Fin décembre, le Nigeria a connu une nouvelle vague d'attentats meurtriers revendiqués par la secte islamiste Boko Haram qui multiplie depuis des mois les attaques.L'épisode a fait craindre des violences entre chrétiens et musulmans et amené Goodluck Jonathan a décréter l'Etat d'urgence dans plusieurs zones du pays.
Le gouvernement a expliqué débourser annuellement 8 milliards de dollars pour subventionner les carburants, un montant qu'il dit vouloir investir dans des projets d'infrastrucures.Mais beaucoup ont répété ces derniers jours ne pas faire confiance aux autorités dans un pays miné par la corruption.
Nombreux aussi sont ceux qui ont dénoncé les salaires et primes parçus par les membres de l'assemblée nationale -- plus d'un million de dollar par an.
"Nous ne reculerons pas", a assuré Julius Godstime, un ingénieur de 36 ans rencontré lors d'un rassemblement à Lagos.
"Je pense que pour les Nigérians, la victoire c'est de savoir qu'ils peuvent s'organiser, manifester", résume Clement Nwankwo, directeur de l'ONG Policy and Legal Advocacy Centre."Le gouvernement ferait mieux d'écouter".
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