L'enlèvement sans précédent de plus de 200 lycéennes au Nigeria par le groupe Boko Haram, qui choque et mobilise la communauté internationale, marque un tournant vers "la fin du terrorisme" islamiste, a affirmé jeudi le président Goodluck Jonathan.
La première session plénière du "Forum économique pour l'Afrique" a démarré en matinée à Abuja par une minute de silence en soutien aux familles des lycéennes enlevées.
"Je crois que l'enlèvement de ces jeunes filles marque le début de la fin du terrorisme au Nigeria", a ensuite déclaré M. Jonathan, remerciant la Grande-Bretagne, la Chine, la France et les Etats-Unis, qui ont promis d'envoyer des experts pour aider à retrouver les adolescentes, enlevées mi-avril dans leur lycée de Chibok, dans l'Etat de Borno (nord-est).
Le président américain Barack Obama avait tenu des propos similaires cette semaine.
Dans un entretien à la chaîne américaine ABC, il avait estimé que cet enlèvement de masse "pourrait être l'événement qui aide à mobiliser la communauté internationale toute entière afin de faire enfin quelque chose contre une organisation aussi abjecte".
Le Vatican a exprimé jeudi son "horreur" et sa "compassion", réclamant la libération des captives.Au Niger, des associations de femmes ont fait de même, exigant "le respect de leur dignité".
M. Jonathan espérait que le "Forum économique pour l'Afrique" serait une belle vitrine pour le Nigeria, récemment devenu la première puissance économique du continent, devant l'Afrique du Sud, après un changement du mode de calcul du produit intérieur brut.
Mais ce "Davos africain" a été éclipsé par la flambée de violence de Boko Haram, qui a revendiqué l'enlèvement de 276 adolescentes à Chibok le 14 avril et tué plusieurs centaines de personnes lundi lors d'une attaque d'une autre ville du Nord-Est.
M. Jonathan a remercié le millier de délégués représentant 70 pays d'avoir fait le déplacement dans la capitale nigériane, placée sous sécurité maximale après deux attentats récents qui avaient fait plus de 90 morts en moins de trois semaines.
"Vous nous apportez votre soutien pour que nous remportions la guerre que nous menons contre le terrorisme", a-t-il ajouté."Si vous aviez refusé de venir par peur, c'est le terrorisme qui aurait gagné".
- Le monde au secours du Nigeria -
En marge du Forum, a indiqué la présidence, M. Jonathan a notamment rencontré l'ambassadeur américain au Nigeria, ainsi que les présidents ghanéen et tanzanien, et s'est entretenu par téléphone avec le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon qui l'assuré de son soutien.
Le président et son gouvernement, très critiqués pour leur incapacité à juguler l'insurrection islamiste qui a fait plusieurs milliers de morts en cinq ans (plus de 1.500 depuis début 2014), ont souvent refusé la coopération sécuritaire des puissances occidentales par le passé.
Les responsables américains ont reconnu que leur armée avait peu de liens avec Abuja.Contrairement à de nombreux autres pays africains, le Nigeria a toujours rechigné à suivre des programmes internationaux de formation.
"Les Nigérians ont souvent refusé l'aide américaine par le passé, notamment dans le domaine de la sécurité", a déclaré John Campbell, ancien ambassadeur des Etats-Unis au Nigeria.
Certains espèrent que cette nouvelle collaboration dans la recherche des otages, qui "devrait être très technique", selon M. Campbell, permettra au Nigeria de lutter plus efficacement contre Boko Haram par la suite.
Selon des responsables américains, l'équipe envoyée par Washington au Nigeria comporte moins de 10 militaires, des spécialistes du département américain de la Justice et des membres du FBI.
La France a proposé de mobiliser une équipe de spécialistes, la Grande-Bretagne a dit envoyer une équipe d'experts en planification et coordination, et la Chine a déclaré être prête à partager "toute information utile recueillie par ses satellites et ses services de renseignements".
Les Etats-Unis et des responsables locaux, à Chibok, se sont inquiétés d'un possible transfert des 223 adolescentes toujours captives vers le Tchad et le Cameroun voisins pour y être vendues.
Abubakar Shekau, le chef de Boko Haram, a d'ailleurs affirmé, dans une vidéo, avoir l'intention de "vendre" les jeunes filles en "esclaves".
L'émotion dans le monde entier, largement répercutée sur les réseaux sociaux, n'empêche pas les islamistes de continuer à mener des attaques dans le nord-est du Nigeria.
Selon plusieurs sources locales, dont un sénateur, 300 personnes ont été ainsi tuées lundi dans l'attaque de Gamboru Ngala, une ville proche de la frontière camerounaise.
Le porte-parole de la présidence, Doyin Okupe, a expliqué à l'AFP que les islamistes étaient "très nombreux" et "ont tué beaucoup de monde", mais n'ont pu être arrêtés "parce qu'ils ont disparu au Cameroun après l'attaque".
A la question de savoir s'il est satisfait des actions engagées par les pays voisins en matière de sécurité, M. Okupe a répondu: "nous sommes très, très loin de l'être (...) Mais tous les efforts possibles sont engagés pour s'assurer que nos voisins nous soutiennent dans notre lutte".
"Les problèmes de sécurité traversent les frontières (...) et nous devons nous en inquiéter", a concédé Brigi Rafini, le Premier ministre du Niger, un des pays frontaliers du nord-est du Nigeria.
"Nous allons faire le nécessaire pour mettre fin" à ces problèmes, a-t-il promis lors du "Forum économique pour l'Afrique".
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