"Je vous offre le chocolat de la liberté!": la Suissesse Béatrice Stockly vient de monter dans l'hélicoptère dépêché mardi par le Burkina Faso près de Tombouctou, en plein désert du nord du Mali.Otage depuis le 15 avril, elle est désormais libre.
Deux pick-up viennent de se garer tout près de l'appareil, à bord duquel se trouvent le chef d'état-major particulier du président burkinabè Blaise Compaoré, le général Gilbert Djindjéré, et ses collaborateurs, et deux réprésentants du ministère suisse des Affaires étrangères, raconte un journaliste de l'AFP qui était à bord.
Côté passager, à bord d'un des deux pick-up qui transportent des hommes enturbannés et lourdement armés, elle descend, foulard noir encadrant son visage, robe noire, et monte dans l'hélicoptère.
"On m'a obligée à porter ça!": cette chrétienne impliquée dans le social et vivant depuis des années à Tombouctou retire ces vêtements d'emprunt.Elle porte une robe fleurie et des sandales, ses cheveux longs sont attachés.Elle sourit mais est visiblement fatiguée.
Elle fouille dans son sac en cuir et distribue aux passagers de l'hélicoptère les "chocolats de la liberté", discute avec le général burkinabè et sort brièvement de son sac une Bible volumineuse.
Elle est libre à 13H32 (locales et GMT), on décolle une dizaine de minutes plus tard.Direction la base militaire de Ouagadougou, après une escale carburant dans le nord du Burkina.
Mais il aura fallu environ une heure et demie d'échanges, de coups de fil, de conversations au talkie-walkie et un ballet de pick-up pour arriver à cette libération.
L'hélicoptère a soulevé une vague de sable en atterrissant à quelques kilomètres de Tombouctou.Un homme, visage enturbanné et kalachnikov en bandoulière, qui se présente comme un élément du groupe islamiste armé Ansar Dine, dominant dans la région avec le soutien d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), est venu chercher le général.
Méchoui et diatribe anti-Europe et anti-USA
Le haut gradé partira avec l'un des représentants suisses.L'autre, une femme, n'est pas autorisée à les suivre.
L'essentiel se passe sous une tente.Elle est équipée de canapés et de nattes, et l'air y est frais.Arrive alors, dans un pick-up et sous bonne escorte, Sanda Boumama, "porte-parole" à Tombouctou, dit-il, du chef d'Ansar Dine, Iyad Ag Ghaly.
Il mesure environ 1,60 m, porte un boubou couleur or et une longue barbe, et converse dans un bon français.
Le général Djindjéré dit "être venu chercher l'otage à la demande du gouvernement suisse, qui a demandé la contribution du Burkina Faso".
Boumama sort, emportant son talkie-walkie et deux téléphones portables.Plusieurs coups de fil en arabe.Il revient.
"Quand on accueille quelqu'un, on lui donne à manger avant de parler", dit-il.Il va offrir à ses convives un méchoui, et est rejoint par Abou Amar Tangui, "représentant" d'Iyad Ag Ghaly dans la ville.Lui aussi a la peau claire des Touareg, tandis que les combattants dans les véhicules, avec lance-roquettes et kalachnikov, sont des Noirs.Tangui restera muet.
Boumama, lui, est prolixe."Qui contrôle Tombouctou?", demande le général."Ansar Dine contrôle la ville, mais le MNLA (Mouvement national de libération de l'Azawad, rébellion touareg) contrôle l'aéroport et le quartier qui y mène", répond-il.
"Nous sommes prêts à accepter" l'aide humanitaire, dit-il, alors que la situation est très difficile dans tout le Nord ayant échappé au pouvoir de Bamako depuis bientôt un mois."On manque de tout", souligne l'islamiste.Mais il avertit: pas question que "l'aide humanitaire soit une campagne politique déguisée" des Occidentaux.
Il enchaîne."Les Européens sont contre les musulmans": c'est le thème du long discours qu'il tient devant ses hôtes, citant Irak et Afghanistan et accablant l'ex-président américain George W. Bush.
Mais il est temps de retourner vers l'hélicoptère.Dernier échange au talkie-walkie, dernier ballet de pick-up."Béatrice", comme tout le monde l'appelle à Tombouctou, quitte la ville où elle avait choisi de vivre.
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