Après s'être emparés de Gao, capitale régionale du Nord Mali, les rebelles touareg assiégeaient dimanche Tombouctou, dernière ville de la région encore encore sous contrôle gouvernemental, poursuivant ainsi leur avancée éclair face à une junte militaire en déroute.
Des tirs d'armes lourdes ont visé dans la matinée le camp militaire de Tombouctou déserté par les soldats, dont beaucoup ont abandonné leurs uniformes et quitté leurs positions sur les points stratégiques de la ville, selon des habitants, interrogés au téléphone depuis Bamako.
"Ca pilonne fort.Mais le camp est vide.Il n'y a plus personne", a raconté l'un de ces témoins.
Des miliciens arabes, issue de l'influente communauté arabe locale des Bérabish, traditionnellement alliés du pouvoir central face aux Touareg, ont pris position dans les rues de la ville, notamment autour de l'aéroport.Leur présence était cependant moins visible à la mi-journée.
Dans un communiqué, le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA), principale composante de la rébellion touareg, a affirmé que son "état-major cerne la ville de Tombouctou".
A environ 800 km au nord-est de la capitale Bamako, la ville historique de Tombouctou, sur le fleuve Niger, est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco.Surnommée "la perle du désert", elle était autrefois une étape incontournable pour les touristes venus à la rencontre des Touareg.
Dans la nuit de samedi à dimanche, les rebelles ont pris le contrôle total de la ville de Gao, 300 km plus à l'est, et de ses deux garnisons militaires, après une journée de combats et la fuite de l'armée, selon des sources concordantes.
A un millier de kilomètres au nord-est de Bamako, Gao, environ 90.000 habitants, abritait l'état-major des forces gouvernementales pour toute la région Nord.
Le MNLA a ainsi proclamé la "libération complète" de toute la région de Gao, où seule Tombouctou reste sous contrôle gouvernemental.
L'avancée des rebelles, qui ont tiré profit de la désorganisation régnant au sein des forces armées après le putsch le 22 mars de soldats de la troupe contre le président Amadou Toumani Touré, a été littéralement foudroyante.
Depuis le début de leur offensive mi-janvier, ils contrôlaient déjà une grande partie du nord-est malien et du massif des Ifohras, territoire traditionnel des Touareg le long de la frontière algérienne.
En trois jours, ils ont pris le contrôle des principales villes du nord-est qui leur échappaient encore, Kidal, Ansongo, Bourem, et Gao, étendant ainsi leur emprise sur la quasi-totalité du nord-est désertique.
Plusieurs groupes armés prennent part à l'offensive en cours à côté du MNLA, en particulier le groupe islamiste Ansar Dine du chef touareg Iyad Ag Ghaly, principal artisan de la prise de Kidal.
Selon des observateurs, des éléments d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) sont présents, ce que le MNLA, d'obédience laïque, dément régulièrement.
"Notre objectif est le jihad"
Le "Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest" (Mujao), une dissidence d'Aqmi dirigée par des Maliens et des Mauritaniens, a également revendiqué sa participation à l'attaque de Gao.
Ces différents groupes se partageaient dimanche le contrôle de Gao.Le MNLA a investi le camp militaire à la sortie de l'agglomération, tandis que le camp II, dans le centre-ville, était aux mains des islamistes.
"Nous maîtrisons le camp II, ainsi qu'une partie de Gao.Notre objectif est le jihad (guerre sainte).Nous allons donner un coup de main à nos frères", a ainsi affirmé à l'AFP un habituel porte-parole du Mujao, se présentant sous le nom de "Belkacem".
Les portes de la prison civile ont été ouvertes de force par des inconnus, et plusieurs bâtiment publics ont été saccagés.
"Aujourd'hui, dimanche, il y a de nombreuses scènes de pillages.Nous avons vu le siège du CICR pillé, saccagé par les rebelles.La banque, le trésor, plusieurs bâtiments ont été détruits", a précisé Ali Diarra, fonctionnaire à la préfecture.
"Moi, j'ai vu les barbus allés casser des hôtels comme le mien et des bars (...), criant que Dieu n'aime pas l'alcool", a témoigné un hôtelier.
S'exprimant samedi soir sur la situation militaire, le chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo, avait annoncé, tout en assurant que l'assaut rebelle était "repoussé", avoir ordonné à l'armée de "ne pas prolonger les combats".
Dans cet aveu de défaite, il a assuré que le CNRDRE (Conseil national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat, junte) "fera une analyse claire de la situation dans les heures à venir".
Le capitaine Sanogo devait s'exprimer de nouveau dimanche matin, après avoir rencontré samedi soir le chef de la diplomatie burkinabè Djibrill Bassolé, venu négocier des modalités d'un retour de l'ordre constitutionnel à Bamako, exigé par les pays d'Afrique de l'Ouest qui ont brandi la menace d'un "embargo diplomatique et financier" d'ici lundi.
Malgré la cinglante défaite de l'armée dans le nord, le capitaine Sanogo s'était montré résolument optimiste sur ses discussions en cours avec la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), "parlant de très bonnes conclusions".
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