Pillages du Westgate: la police kényane menace la presse, puis recule face au tollé

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Nairobi (AFP)

La police kényane a fait machine arrière jeudi, après avoir violemment pris à partie la presse, coupable à ses yeux d'avoir critiqué les pillages des forces de sécurité durant l'attaque en septembre du centre commercial Westgate de Nairobi.

La police a remis une convocation à deux journalistes de la télévision kényane KTN, Mohammed Ali et Allan Namu, et à Sam Shollei, PDG du groupe Standard, propriétaire de la chaîne, pour qu'ils se présentent lundi prochain pour une déposition.

L'annonce en a été faite dans la matinée par George Ojuka, chef de la brigade criminelle du commissariat de Kilimani, un quartier de Nairobi.

Mais face au tollé, les autorités kényanes sont finalement revenues sur leur décision et un responsable du ministère de l'Intérieur kényan a affirmé jeudi soir à l'AFP que la convocation avait été "annulée".Les intéressés n'ont pu être joints pour confirmer.

"Après d'amples consultations les convocations ont été annulées, les journalistes et leur PDG n'ont plus besoin d'enregistrer de dépositions, c'est tout ce que je peux vous dire pour le moment", a déclaré ce responsable sous le couvert de l'anonymat.

La police comptait les interroger sur la diffusion d'images de caméras de surveillance, enregistrées à un moment non précisé des 80 heures de siège et montrant des soldats sortant avec des sacs en plastique apparemment remplis de produits d'un supermarché du Westgate.

L'armée kényane avait réagi en affirmant qu'il ne s'agissait pas de pillage, mais que les militaires avaient récupéré des bouteilles d'eau pour étancher leur soif.

"De la désinformation grossière"

"Nous enquêtons sur divers aspects du reportage diffusé par la chaîne.Trois parties (du reportage) sont de la désinformation grossière et de l'incitation" à la rébellion contre les autorités, avait expliqué M. Ojuka.

L'Inspecteur général (chef) de la police kényane, David Kimaiyo, avait mis en garde jeudi, lors d'une conférence de presse, les journalistes relayant les accusations de pillages contre les forces de sécurité, les accusant d'inciter au soulèvement contre les autorités.

Il était "clair qu'il existe des limites" à la liberté d'expression, avait-il souligné, prévenant que des journalistes seraient "très prochainement appréhendés et déférés devant un tribunal".

La loi stipule que "vous ne devez pas inciter au soulèvement des Kényans, vous ne devez pas faire ou diffuser des déclarations qui s'apparentent à des discours de haine et vous ne devez pas faire de déclarations ou d'articles qui peuvent menacer la vie de quelqu'un", avait-il ajouté.

Des groupes de défense des droits de l'Homme et des médias ont condamné ces propos, qualifiés "d'intimidation" en Une du quotidien kényan, Daily Nation.

La presse visée "pour avoir dit la vérité"

Pour le barreau du Kenya, ces déclarations sont "une tentative d'atteinte aux droits constitutionnels que sont la liberté des médias et d'expression".La Commission nationale des Droits de l'Homme s'est dit "préoccupée".

"La robuste presse kényane ne devrait pas être visée simplement pour avoir diffusé la vérité", a de son côté déclaré Tom Rhodes, du Comité de protection des Journalistes (CPJ)."A la place, la police kényane devrait enquêter sur les réels criminels au Westgate".

Les patrons de nombreuses boutiques du Westgate - notamment une bijouterie ou des magasins de téléphonie mobile ou de matériel électronique - ont indiqué que leurs magasins avaient été totalement pillés durant le siège.

D'autres ont affirmé que des biens de valeur (ordinateurs, argent, téléphones portables, etc) laissés dans leur magasin - fermé à clé quand ils sont parvenus à s'enfuir du centre commercial - avaient disparu quand ils ont été autorisés à y retourner, à l'issue du siège.

Une commission parlementaire a récemment accusé ces commerçants de chercher à faire jouer leurs assurances.

Selon un bilan officiel, l'attaque du Westgate fin septembre a fait 67 morts, et une vingtaine de disparus.

Les insurgés islamistes somaliens shebab ont revendiqué l'attaque, disant avoir agi en représailles de l'intervention militaire lancée par le Kenya fin 2011 dans le sud somalien contre eux.

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