Les observateurs de l'Union européenne (UE) à la présidentielle gabonaise ont sévèrement critiqué lundi le "manque de transparence" du processus électoral à la veille de l'annonce des résultats officiels, l'opposant Jean Ping appelant lui le peuple "à défendre par tous les moyens" sa "victoire" auto-proclamée.
"Je félicite les électeurs gabonais qui ont exprimé leur volonté démocratique dans un processus dont la gestion a manqué de transparence", a déclaré devant la presse à Libreville la chef de la mission de l'UE, l'euro-députée bulgare Mariya Gabriel.
"La mission déplore le manque de transparence des organes de gestion des élections omettant de mettre à la disposition des parties prenantes des informations essentielles telles que la liste électorale et la liste des centres de vote", critiquent les observateurs européens.
Par ailleurs, la mission de l'UE a pointé un déséquilibre de la couverture par les médias nationaux en faveur du président sortant.
Réagissant à ces déclarations, le ministère gabonais de l'Intérieur "a pris acte du rapport globalement positif des observateurs" et rappelé que "le processus électoral (...) ne permet pas aux candidats de produire des résultats chiffrés" avant leur proclamation, visant le camp de M. Ping.
Après s'être dit "élu" dimanche, M. Ping, métis sino-gabonais plusieurs fois ministre d'Omar Bongo et ancien président de la Commission de l'Union africaine (UA), a affirmé lundi que le peuple "défendra par tous les moyens" sa "victoire".
Selon lui, "le peuple gabonais qui s'est massivement mobilisé (...) et qui vient de me porter à la tête du pays ne pourra jamais accepter que cette victoire, sa victoire, lui soit volée".
- Journée fatidique -
Ces déclarations contribuent à alimenter chez la population la crainte de violences après l'annonce des résultats, même si la capitale a retrouvé lundi une activité à peu près normale après deux journées de ville quasi morte.
Aucun dispositif particulier des forces de sécurité n'était visible dans la ville.Mais chacun retenait son souffle avant la journée fatidique de mardi, où les résultats officiels de la présidentielle à un tour de samedi doivent être annoncés par le ministre l'Intérieur, Pacôme Moubelet-Boubeya, à partir de 17H00 (16H00 GMT).
"C'est demain (mardi) que ça commence", assure Anatole, venu dans une supérette faire quelques emplettes - sac de riz, sardines en boîte - "au cas où".
Comme nombre de ses compatriotes, il craint des troubles, comme ce fut le cas lors de la précédente présidentielle, en 2009, après la mort d'Omar Bongo qui avait dirigé pendant 41 ans ce petit pays pétrolier d'Afrique centrale de 1,8 million d'habitants.
La victoire de son fils Ali Bongo avait été contestée par l'opposition, entraînant une flambée de violences meurtrières, notamment à Port-Gentil, la capitale économique du pays où le consulat de France - ancienne puissance coloniale - avait été incendié.
Dimanche, l'ambassade de France a recommandé aux Français établis au Gabon "d'éviter de se déplacer, sauf nécessité avérée, et de se tenir informés de la situation".
- "Mettre le feu" -
Dans un contexte économique et social tendu, lié à la baisse des ressources financières consécutives à la chute des cours du pétrole, beaucoup redoutent un scénario similaire à 2009.
"Les déclarations triomphales des deux camps, faites après l'élection, pourraient ouvrir la voie à une période d'incertitude, voire mettre le feu si les acteurs politiques et les Gabonais n'y prennent garde", relevait lundi le journal Le Matin Equatorial.
Dans un communiqué, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon "demande à tous les Gabonais d'accepter le résultat des urnes et de régler tout grief par les moyens légaux et constitutionnels.Il appelle tous les acteurs concernés à ne pas inciter, ou prendre part à des actes de violence".
Face à l'empressement de M. Ping, le président sortant a joué la carte de la sérénité et de la légalité: "Nous sommes légalistes et nous sommes républicains donc nous attendons sereinement que la Cénap (commission électorale) annonce les résultats de l'élection".
Son porte-parole, Alain-Claude Bilie-By-Nze, a toutefois réaffirmé qu'il était "en tête avec une avance qui ne peut plus être inversée".
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