Dans une Guinée placée en "état d'urgence" pour cause de violences post-électorales, le quartier Kaporo de Conakry n'a qu'un souhait: que le perdant et le gagnant de la présidentielle qui se sont partagés les voix "travaillent ensemble".
A la lisière des quartiers les plus agités, en début de semaine, dans la commune de Ratoma, Kaporo ressemble à un village.Des garçons jouent aux dames dans ses ruelles de terre qui conduisent vers la mer.Sur le port, de nombreux pêcheurs recousent leurs filets.
"Pratiquement tout notre quartier avait voté le 7 novembre pour l'opposant historique Alpha Condé", un Malinké, explique Marouf Soumah, 30 ans, d'ethnie baga, sous le toit de tôle ondulée du "bureau du port".
Kaporo a ainsi été épargné par les manifestations de colère violentes qui ont éclaté, en début de semaine, dans les fiefs de l'ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo (d'ethnie peule), à l'annonce des résultats provisoires donnant Alpha Condé vainqueur (52,5% contre 47,5%).
"Les Peuls se sont énervés, ils disaient qu'il y avait eu fraudes et ils s'en sont pris aux gens d'autres ethnies et aux forces de l'ordre", assure le pêcheur."L'instauration de l'état d'urgence, mercredi, a permis d'éviter des affrontements entre eux et nous, les autres ethnies, parce qu'on commençait à s'énerver aussi!", soutient-il.
Désignant à son côté un Peul occupé à repriser un filet, Marouf est pourtant l'un des premiers à vanter l'harmonie entre les ethnies: "Nous vivons ensemble, nous mangeons ensemble, nous dormons ensemble mais c'est la politique qui nous divise".
"Alors, que les deux candidats travaillent ensemble pour le développement et la paix dans le pays!C'est le souhait de tout bon Guinéen", dit-il. A la terrasse d'une gargote voisine, Saliou Diallo, "vendeur de grilles du PMU" (paris sur les courses de chevaux en France), confie n'être "pas d'ici".
"Je suis peul, du quartier voisin de Simbaya, mais je suis parti parce que ce n'était pas calme et je me suis réfugié à Kaporo, au milieu des Malinkés", dit cet homme de 32 ans. "Mon père a fui vers Dakar, avec mes petits frères après l'instauration de l'état d'urgence.Il pense que les militaires soutiennent le RPG (Rassemblement du peuple de Guinée) d'Alpha Condé et craint de nouvelles violences".
"Après les élections, dans mon quartier, les militants de l'UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée, de Diallo) allaient casser les maisons des militants du RPG.Dans d'autres quartiers, c'était l'inverse", assure-t-il."Des policiers ont très mal réagi, ils rentraient dans les cours des maisons pour frapper et arrêter les militants de l'UFDG.Des civils les dirigeaient pour dire +c'est ici qu'habitent les Peuls+.Mais chez nous, les policiers ont seulement tiré une balle dans la télévision", rapporte-t-il.
L'ONG International Crisis Group (ICG) a dénoncé les "attaques systématiques" menées par les forces de l'ordre contre les militants, en majorité peuls, du parti de Diallo.
"Vraiment, ce que je veux, c'est qu'Alpha et Cellou travaillent ensemble, bientôt, dit Saliou, et que cela ne devienne pas une ethnie contre une autre..." A ses côtés, son ami Oumar Touré, étudiant en droit de 24 ans, approuve, bien que lui-même soit d'ethnie diakanké et partisan d'Alpha Condé.
"Les deux candidats avaient promis, avant le second tour, de former un gouvernement d'union nationale.Ils doivent tenir parole puisqu'ils se sont partagé presque moitié-moitié des voix", dit cet étudiant en droit désoeuvré, dans l'attente d'une rentrée déjà plusieurs fois repoussée.
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