Procès Rwanda: Simbikangwa l'accusé impétueux face à Leurent le président posé

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Paris (AFP)

L'un est aussi impétueux que l'autre posé.L'un risque la perpétuité au premier procès organisé en France sur le génocide rwandais, l'autre préside la cour d'assises de Paris qui le juge.Pascal Simbikangwa et Olivier Leurent ont en commun leur maîtrise des 21 tomes du dossier d'instruction.

L'accusé, en détention depuis 2008, paraplégique et qui ne reçoit quasiment pas de visites, a eu tout le temps de se préparer, même si ses avocats dénoncent le fait qu'il n'ait pas eu de copie complète du dossier en prison.

A l'audience, on ne dirait pas, tant il est prompt à dégainer une "cote", ces pièces numérotées du dossier, pour pointer une contradiction dans un témoignage.

Mais le président Leurent connait aussi l'affaire sur le bout des doigts, et quand l'accusé affirme que son nom n'a jamais été cité devant une "gacaca", ces tribunaux populaires mis en place par le Rwanda post-génocide, le magistrat retrouve instantanément deux "cotes" démontrant le contraire.

Sans ironie, Pascal Simbikangwa qualifie d'ailleurs Olivier Leurent de "grand spécialiste du Rwanda", suscitant chez son juge une dénégation mêlée d'appréciation du travail accompli.

Quand au président, il prend soin de laisser l'accusé exprimer son point de vue, tout en cherchant à le canaliser, tâche parfois difficile.Car l'ex-officier rwandais, passionné de politique et désireux de convaincre, parle, digresse.

Au point d'apparaître parfois comme son meilleur ennemi, répétant X fois les mêmes arguments au long de ce procès fleuve de six semaines.Ses avocats lui recommandent parfois, en vain, le silence."Pascal Simbikangwa, Me (Alexandra) Bourgeot voudrait que vous vous taisiez mais vous avez la parole", lui lance alors le président. 

Interrogé sur le fait que "des personnes physiques qui disent avoir été torturées par vous il y en a quand même un certain nombre", l'accusé reprend même sa défense qui s'insurge contre une question "scandaleuse", ces accusations ayant été jugées prescrites, d'un "je m'excuse maître, je répondrai".

 

- Maître Simbikangwa -

 

Il encourage un avocat à prendre la parole."Maître, vous avez l'autorisation de M. Simbikangwa pour lui poser des questions", s'amuse le président Leurent, qui dans un rare lapsus s'adressera une fois à "maître Simbikangwa".

Agrippé à son micro, l'ex-capitaine de la garde présidentielle se redresse dans son fauteuil roulant pour marteler un point, et n'hésite pas à reprendre procureur ou avocats des parties civiles."Monsieur l'avocat général, vous êtes là pour défendre la société, dont je fais aussi partie!" "Ne soyez pas têtu, vous avez un problème d'objectivité, des préjugés immuables, c'est indécrottable", lance-t-il à un avocat qu'il appelle "cher ami", s'attirant un "permettez moi de ne pas vous appeler cher ami en retour".

Quand une question l'embarrasse, l'accusé répond souvent à une autre.Et les échanges avec le président tournent alors au dialogue de sourds.

"Je voudrais d'abord dire..."

"Non, non, répondez à ma question d'abord, vous parlerez ensuite."

"Je ne sais plus où j'en étais."

"Eh oui, quand on ne répond pas aux questions, on perd le fil."

"Vous savez, c'est mieux quand vous répondez aux questions quand même.Je vous laisse tout le temps de faire vos observations, et c'est tout à fait normal, mais essayez de répondre aux questions."

Un point revient en boucle: l'affirmation de l'accusé qu'il a traversé sans voir un seul cadavre ces 100 jours d'avril à juillet 1994 qui ont vu quelque 800.000 personnes, en majorité tutsi, être massacrées.

"Lui, il dit qu'il a vu des cadavres", dit le président d'un témoin.

"Je vous ai parlé de l'ambassadeur de France" (qui a selon l'accusé dit ne pas en avoir vu avant son évacuation).

"Je vous parle d'Albert Gahamanyi, qui était dans le pick-up avec vous."

"Lui il est en haut dans le pick-up justement, moi j'ai des problèmes de dos, je mettais un oreiller pour pouvoir me positionner de façon un petit peu allongée."

 

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