Quel qu'il soit, le verdict, qui sera rendu jeudi par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) contre Charles Taylor, n'effacera pas l'amertume des Libériens de voir leur ancien président rester impuni pour les atrocités commises dans son propre pays.
"Il a tué mon père, il a tué ma mère mais je vais voter pour Charles Taylor": quinze ans après, le slogan électoral de l'ancien chef de guerre, élu en 1997 à la présidence libérienne, continue de faire écho dans un pays traumatisé par l'une des guerres les plus horribles qu'ait connue le continent africain.
Lancée le soir de Noël de 1989 par Charles Taylor, la rébellion du Front national patriotique du Liberia (NPFL) a été le déclencheur d'une guerre civile qui aura duré 14 ans, faisant 250.000 morts et 2,5 millions de déplacés.
Jugé pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis de l'autre côté de la frontière, c'est au Liberia que Taylor a généralisé l'enrôlement d'enfants-soldats, souvent drogués, pour livrer une campagne de terreur contre les civils, mêlant massacres, viols, mutilations, tortures et cannibalisme.
Deux ans après le début du conflit au Liberia, la Sierra Leone s'embrasait à son tour, subissant les exactions d'une rébellion, formée, armée et financée par le NPFL, et appliquant les même "tactiques" de guerre, les mêmes scénarios macabres mis en scène par des "généraux" parfois âgés de moins de 15 ans, signant leurs forfaits de crânes et entrailles plantés sur des piques.
C'est sur cette similitude que le tribunal devrait s'appuyer jeudi pour démontrer les liens entre Taylor et les rebelles sierra-léonais du Front Révolutionnaire uni (RUF), avec lesquels il échangeait armes contre diamants.
Responsabilité "avérée" au Liberia
"Taylor aurait dû être poursuivi d'abord pour les atrocités qu'il a commises contre le peuple du Liberia", estime Johnson Yarkparolo, un paysan de 45 ans dont le frère a été tué par les hommes du NPFL.
Surtout, souligne le juriste Alpha Sesay, que son rôle au Liberia était "avéré"."Il aurait été bien plus facile de démontrer sa responsabilité dans le conflit au Liberia qu'en Sierra Leone où il n'a jamais mis les pieds pendant la guerre", estime-t-il.
Pourtant, contrairement à la Sierra Leone, le Liberia n'a rien fait à ce jour pour traduire ses coupables.
En 2009, un rapport de la Commission Vérité et Réconciliation avait fait controverse avant d'être rangé au placard.
Non seulement, la Commission citait Taylor parmi ceux qui devaient être poursuivis pour crimes de guerre, mais elle mettait aussi en cause plusieurs personnalités, parmi lesquelles l'actuelle présidente et prix Nobel de la paix Ellen Johnson Sirleaf, accusée d'avoir un temps financé le NPFL.
"Les gens sont allés témoigner devant la Commission, ils ont raconté en larmes comment ils ont été torturés, violés, ils ont donné des noms.Et nous sommes restés indifférents", déplore le politologue Issac Wayea.
"On a fermé les yeux en faisant comme si tout allait bien.Mais tout ne va bien.Les gens ont besoin que justice soit faite", insiste-t-il.
Chargé de mener les efforts de réconciliation, Leymah Gbowee, co-lauréat avec Mme Johnson Sirleaf du Nobel de la paix, expliquait l'an dernier à l'AFP que des poursuites contre les chefs de guerre risquaient d'approfondir encore les divisions du pays.
"La paix dont nous jouissons est fragile, et nous devons naviguer avec beaucoup de prudence.Ceux qu'on pourrait considérer comme les méchants sont des héros auprès de leurs communautés", disait-il.
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