Le Belge Emmanuel de Mérode, directeur du parc national des Virunga, dans l'est de la RDCongo, était toujours en soins intensifs mercredi après avoir été grièvement blessé la veille, une attaque sans précédent qui a suscité de vives condamnations.
Blessé par balle à l'abdomen et au thorax " il a été opéré et se trouve toujours en soins intensifs, et selon notre spécialiste en chirurgie, jusque-là, l'espoir est permis", a déclaré à l'AFP Ferdinand Mugisho, un responsable de l'hôpital Heal Africa de Goma (capitale de la province du Nord-Kivu).
"Je lui ai rendu visite ce matin", a indiqué le gouverneur provincial Julien Paluku."Il est lucide, il parle."
Mardi après-midi, M. de Mérode (43 ans), nommé en 2008 directeur du parc, a été attaqué par des hommes armés dans une forêt à une trentaine de km au nord de Goma.Il était seul au volant de sa jeep, selon M. Paluku.
Les assaillants "n'ont rien pris (...) ils ont tiré" avant de s'enfuir, a déclaré le porte-parole militaire provincial, le lieutenant-colonel Olivier Amuli.
"C'est la première fois que le directeur de Mérode est directement attaqué", a déclaré Norbert Mushenzi, adjoint de M. de Mérode.
- Frein au tourisme vert -
Cependant, "M.de Mérode venait de déposer auprès du Procureur de la République à Goma un dossier compromettant, résultant de mois - voire d'années - d'enquête sur SOCO International", a affirmé le député belge François-Xavier de Donnea au quotidien La Libre Belgique.
"Il est très curieux que cette embuscade survienne justement au moment où Emmanuel de Mérode dépose ce dossier", a-t-il ajouté.
SOCO International est une petite société britannique déterminée à mener, avec l'appui du gouvernement congolais, des activités d'exploration pétrolière au sein du parc national des Virunga, ce qui suscite notamment l'inquiétude du Fonds mondial pour la nature (WWF).
Dans un communiqué transmis mercredi soir à l'AFP, SOCO "condamne" l'attaque contre M. de Mérode, explique qu'elle "ne cautionne aucun type de violence" et souligne que "toute suggestion liant SOCO à ce crime est totalement infondée, diffamatoire et très déplacée".
En octobre, un journaliste congolais travaillant pour des médias internationaux avait été attaqué et son matériel volé par des hommes armés en tenue militaire alors qu'il revenait d'un reportage sur l'exploration pétrolière dans le parc de Virunga.
Créé en 1925 sous la colonisation belge, le parc des Virunga, l'un des plus vieux parcs nationaux d'Afrique, s'étend sur près de 800.000 hectares à la frontière avec l'Ouganda et le Rwanda.Il abrite des gorilles de montagnes et une petite population de gorilles des plaines - menacée d'extinction.
Le Réseau des communicateurs pour l'environnement a dénoncé l'attaque de M. de Mérode comme décourageant "les initiatives de développement et de conservation communautaires", et freinant "le retour progressif du tourisme vert" dans la région, instable depuis près de 20 ans.
- 140 gardes tués depuis 1996 -
Le directeur exécutif du WWF, Lasse Gustavsson, a salué le travail du "conservateur dévoué", mettant "sa vie en jeu chaque jour pour protéger le parc national des Virunga".
Depuis 1996, date de la première guerre du Congo, plus de 140 gardes du parc des Virunga ont été tués par des rebelles locaux ou étrangers, selon la direction du parc, classé au patrimoine mondial de l'Unesco en 1979.
En 1994, l'Unesco a inscrit le parc sur sa liste du patrimoine mondial "en péril".Plus que la déforestation ou encore le braconnage, ce sont les dommages irréparables que causerait une éventuelle exploitation pétrolière qui inquiètent les défenseurs de la nature.
Le ministre belge des Affaires étrangères Didier Reynders a exhorté "les autorités congolaises à mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour faire la lumière sur cette attaque".
"J'encourage (...) la communauté internationale à soutenir les efforts de la République démocratique du Congo visant à fournir une protection adéquate à son patrimoine mondial et à ceux qui le protègent", a pour sa part plaidé Irina Bokova, directrice générale de l'Unesco, faisant part de sa "colère" au lendemain de l'attaque.
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