RDC: les nouvelles tendances de la Sape

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Kinshasa (AFP)

"J'aime beaucoup les habits des créateurs japonais et autres, mais je préfère m'habiller en papier": comme Cédrick Mbengi, certains sapeurs de Kinshasa font des infidélités aux grands couturiers français, italiens ou japonnais en lançant d'originales créations.

Cédrick Mbengi, 23 ans, estime que le papier est un "tissu comme les autres" depuis un rêve en 2004.Sa marque de fabrique: en fin de défilé, il déchire ses vêtements taillés dans le papier rigide servant à emballer poissons, viandes ou arachides.Et peu importe s'il finit en caleçon.En coton, lui.

Le mouvement Sape (Société des ambianceurs et des personnes élégantes) est né dans les années 60 au Congo.Les sapeurs étaient alors - et restent - des dandys, comme l'illustre une nouvelle  publicité du brasseur Guinness.En République démocratique du Congo voisine, le style est résolument excentrique.

Le concept initial est de défiler avec grandiloquence dans les vêtements, chaussures et accessoires des grands créateurs, vénérés comme des dieux.Un spectacle haut en couleurs et en slogans vantant le talent de Gaultier, Vuitton, Cerruti, Versace, Yamamoto, Miyake, Weston, Dolce&Gabbana...

 

Griffes offertes par la diaspora

 

A Kinshasa, où la plupart des quelque 10 millions d'habitants sont démunis, "plusieurs milliers" de sapeurs débutants et confirmés défilent avec des griffes très souvent offertes par la diaspora, selon le collectif Solidarité des artistes pour le développement intégral (Sadi).

Mais depuis quelques années, on ne fait plus uniquement l'éloge des rois du ciseaux.D'après Lydia Nsambayi, historienne de l'art et du costume à l'Institut supérieur des arts et des métiers, tout est parti des difficultés financières des expatriés pour saper leurs frères restés au pays.

"Des expatriés se sont lancés dans le trafic de drogue pour acheter facilement des vêtements, précise-t-elle.Voyant qu'ils ne pouvaient pas continuer à ce rythme, des sapeurs ont décidé d'acheter des marques dans les friperies ou de mélanger leurs créations avec celles de Yamamoto, par exemple."

Dans le même temps, certains ont commencé à priser le prêt-à-porter."Si ce n'est pas Zara, c'est sida!", fanfaronnent certains adeptes pour souligner que l'étiquette espagnole n'a pas à rougir.Plus encore, comme Cédrick "100% Papier" Mbengi, des sapeurs lancent leur propre ligne.

Ainsi Bwapwa Kumeso, qui a créé en 2009 Kadhitoza ("La Belle Créature, en tchokwe, langue parlée dans la moitié sud du pays)."Je m'inspire des animaux de notre continent: la chauve-souris, l'éléphant, le canard, le cancrelat...Les habits sont des êtres vivants!", s'enthousiasme l'autodidacte de 44 ans, amoureux du lin, de la laine vierge et de la gabardine huilée.La forme de ses modèles évoque la faune du pays.

 

Joute vestimentaire

 

"J'aime Yohji Yamamoto et Issey Miyake.Mais, moi, je crée des habits très extravagants, plus extravagants qu'eux!Je fais des vêtements convertibles, qui changent de forme: entre autres, avec les boutons-pressions, un gilet peut devenir un sac", précise-t-il avec verve.

La grande joute vestimentaire des sapeurs se déroule chaque 10 février - anniversaire du décès de l'artiste Stervos Niarcos, inventeur de la religion "kitendi" ("habillement", en lingala), décédé en France en 1995 dans une prison où il était détenu pour une affaire de stupéfiants.

Dans cet exercice, qui s'achève inlassablement avec des dizaines de sapeurs dansant sur les tombes du cimetière de la commune privilégiée Gombe (nord de Kinshasa), certains tirent leur épingle du jeu.Cédrick "100% Papier" Mbengi et Bwapwa "Kadhitoza" Kumeso en font partie.

Belle revanche pour 100% Papier qui, à ses débuts, était considéré comme un "fou".Le souriant tailleur Roger Bakandowa comptait d'ailleurs parmi les sceptiques, avant de retourner sa veste et de coudre les modèles de pantalons, salopettes, chapeaux ou chemises que dessine le jeune frigoriste...

"Ce qui m'intéresse dans la démarche de 100% Papier, Kadhitoza et d'autres, c'est qu'ils cherchent la personnalité des vêtements.Plus encore, ils affirment cette identité!", commente le photographe Yves Sambu, président du collectif Sadi, qui travaille régulièrement avec une dizaine de sapeurs.

L'une des fiertés de Kadhitoza est d'avoir habillé Papa Wemba, le fameux "roi de la sape".Problème, le grand chanteur de rumba a démenti l'information..."C'est parce que la marque n'est pas encore au top de la qualité", imagine Yves Sambu, qui dit avoir vu des images prouvant les dires du tailleur.

"Ce qui manque à ces sapeurs, poursuit le photographe, c'est du soutien pour avoir de bonnes finitions." "Ce sont des initiatives qu'il faut encourager, renchérit Lydia Nsambayi.Mais ici, c'est toujours le problème de l'industrie: comme ça manque, tout reste artisanal."

Reste que le succès semble se consolider.Cédrick Mbengi en vient à être sollicité davantage que d'autres sapeurs "classiques", suscitant des jalousies.Il a par ailleurs rassemblé quelques dizaines de personnes en décembre 2012 lors d'une exposition dans un quartier populaire.

Quant à Kadhitoza, une dizaine de "disciples" et quelques sapeurs portent sa marque.Et en attendant d'avoir une "petite industrie pour vendre partout dans le monde", il a placé quelques vêtements dans une boutique de l'aéroport international de Ndjili.

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