RDCongo: la justice pour les crimes se heurte à de nombreux obstacles

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NAIROBI (AFP)

Les tentatives pour rendre justice aux victimes d'une décennie de guerres en RD Congo se heurtent au déni des pays africains mis en cause et au chantage qu'ils exercent quant à leur participation aux forces de paix internationales, selon des analystes.

L'ONU a publié vendredi un rapport détaillé des atrocités commises par les forces armées d'au moins sept pays et par 21 groupes armés irréguliers entre 1993 et 2003 en République démocratique du Congo.

Si le rapport a été salué par des groupes internationaux de défense des droits de l'homme comme un premier pas vers la reconnaissance de l'ampleur des atrocités, plusieurs analystes estiment assez faibles les chances de le voir déboucher sur des poursuites pénales.

"Je ne pense pas qu'il en ressortira quelque chose de sérieux sans une campagne soutenue et ciblée de la société civile et des médias.Le danger est grand que rien ne se passe", résume à l'AFP Suliman Baldo, directeur Afrique du Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ).

Rwanda en tête, les principaux pays de la région mis en cause ont procédé ces dernières semaines à un véritable tir de barrage contre le rapport, qualifié de "déni d'Histoire" ou encore de "condensé de rumeurs".

Selon Kigali, "le désir de valider la théorie du double génocide est présent en permanence" dans le rapport, théorie selon laquelle les massacres de réfugiés hutu rwandais dans l'ex-Zaïre seraient à mettre sur le même pied que le génocide contre les Tutsi perpétré en 1994 (au moins 800.000 morts selon l'ONU).

Des voix se sont même élevées dans la région pour pointer du doigt l'incapacité de l'ONU, à l'époque, à stopper les massacres, à commencer par le génocide rwandais de 1994.

"L'intention est de réécrire l'histoire du génocide rwandais par ceux qui se sentent coupables du rôle qu'ils ont joué", dénonçait vendredi le secrétaire permanent du ministère ougandais des Affaires étrangères James Mugume.

Outre leur rejet catégorique du rapport, plusieurs pays mis en cause ont également brandi la menace de retirer leurs troupes des opérations de maintien de paix.

Kigali qui était revenu courant septembre sur sa menace de retirer ses 3.500 soldats des missions de maintien de la paix au Soudan, considérait vendredi ce retrait comme une "option" si ses forces armées devaient être poursuivies pour des crimes de génocide.

De même, l'Ouganda, qui serait impliqué dans de nombreux massacres et possibles "crimes de guerre" en RDC, a menacé de revoir sa participation "aux différentes opérations régionales et internationales de paix".Kampala est le principal contributeur de la force de paix de l'Union africaine en Somalie (Amisom).

"De toute évidence, la réaction très vigoureuse des gouvernements rwandais et ougandais pose un véritable défi.Nous devons passer outre ces jeux diplomatiques", commente Carina Tertsakian, spécialiste du Rwanda au sein de l'ONG Human Rights Watch.

Plus généralement, HRW souligne la difficulté qu'il y aura à poursuivre les auteurs de massacres en RD Congo dans la mesure où certains occupent encore des positions élevées dans la hiérarchie militaire de leur pays, tout comme il est problématique de prouver la culpabilité des donneurs d'ordre.

"Il n'y a jamais eu de justice.Ceux qui ont perpétré ces crimes s'en sont toujours sortis", rappelle-t-elle.

Selon Marceau Sivieude, directeur Afrique de la Fédération internationale des droits de l'homme, la mise en place d'un tribunal pénal international pour les crimes visés par le rapport paraît peu probable, les Nations unies ayant été "échaudées par les précédentes expériences, en raison du coût notamment".

"Il reste la possibilité des chambres mixtes, c'est-à-dire le fait d'adjoindre à des juges congolais des juges internationaux qui pourraient poursuivre des auteurs de crimes importants", estime M. Sivieude, une solution également soutenue par HRW.

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