Le limogeage du rédacteur en chef d'un quotidien égyptien indépendant, très critique envers le pouvoir, est un exemple supplémentaire des pressions exercées sur la presse avant les législatives prévues fin novembre, estiment des analystes.
"C'est une manière de faire pression sur ceux qui appellent à des élections libres ou à un boycott", affirme à l'AFP l'enseignant en sciences politiques Moustapha Kamel al-Sayyed.
Ibrahim Eissa, rédacteur en chef d'Al-Dostour, n'a pas été informé des raisons exactes de son limogeage, qui lui a été notifié lundi soir par les propriétaires du journal.
Mais la nouvelle "m'a été annoncée quelques heures après que les propriétaires m'eurent dit qu'ils refusaient la publication d'un article de Mohamed ElBaradei à l'occasion du 37e anniversaire de la guerre d'Octobre" (la guerre du Kippour de 1973), dit-il à l'AFP.
Al-Dostour a été racheté il y a deux mois par deux associés, dont Sayyed Badawi, homme d'affaires et président du parti libéral Wafd (opposition).
Le Wafd, qui dispose d'une petite représentation parlementaire, vient de refuser de se joindre à l'appel au boycott des législatives prévues fin novembre lancé par M. ElBaradei, l'ex-patron de l'AIEA qui plaide pour des réformes démocratiques.
Personnalité en vue de la presse égyptienne, M. Eissa avait été condamné en 2008 à six mois de prison ferme, une peine ramenée à deux mois ferme en appel, pour avoir fait état de rumeurs sur la santé du président Hosni Moubarak.Il avait ensuite été gracié par le chef de l'Etat.
Son limogeage intervient après le retrait d'une émission qu'il présentait sur une chaîne de télévision indépendante, qui a fait état de pressions.
Une autre émission très populaire, "Le Caire aujourd'hui", présentée par Amr Adib sur Orbit et enregistrée dans le bâtiment de la télévision publique, a aussi été retirée.Ces deux programmes étaient connus pour leurs critiques du gouvernement.
"Le climat politique est en train de changer (...).Il est probable que les rédacteurs en chef et les journalistes, ainsi que les gens qui paient leurs salaires, vont être plus prudents dans la période à venir", écrit l'analyste Issandr al-Amrani sur le site internet du quotidien indépendant Al-Masri Al-Yom.
"Le régime est instable et il veut assurer une transmission du pouvoir en douceur (à Gamal Moubarak).Il ne peut donc pas tolérer la liberté d'expression", estime pour sa part l'écrivain Alaa al-Aswany.
Le président Hosni Moubarak, 82 ans, n'a pas fait savoir s'il briguerait un nouveau mandat lors de la présidentielle de 2011.Son fils Gamal est souvent cité comme possible successeur, mais il n'a pas dévoilé ses intentions.
M. al-Aswany a indiqué à l'AFP qu'il avait cessé d'écrire pour le quotidien indépendant Al-Chourouq, dont le propriétaire a fait l'objet "d'intenses pressions" pour "cesser de publier des articles appelant à un changement".
Les journalistes d'Al-Dostour ont indiqué avoir entamé un sit-in pour soutenir M. Eissa.L'un d'entre eux a dit à l'AFP qu'ils étaient "choqués" par la nouvelle.
Mercredi, un éditorial publié en Une, signé "Al-Dostour", nie que l'affaire soit politique et s'adresse directement aux lecteurs en leur assurant que le journal "restera une tribune pour la liberté et pour ceux qui recherchent la justice".
Beaucoup de restrictions sur la presse indépendante ont été levées ces dix dernières années, mais les défenseurs des droits de la presse disent continuer de faire face à la censure et à des procès pour diffamation montés de toutes pièces.
"Le printemps du Caire fait place à l'automne du Caire.Pourvu qu'il ne se transforme pas en hiver", écrit Issandr al-Amrani.
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