La justice britannique a accordé jeudi la liberté sous caution au chef des services secrets rwandais Emmanuel Karenzi Karake, arrêté samedi à Londres à la demande de l'Espagne, alors que le président rwandais dénonçait "l'arrogance" de l'Occident.
Lors d'une audience devant un tribunal londonien jeudi, le général Karake, personnalité clé du régime rwandais, a refusé d'être remis à l'Espagne et sera libéré dès que sa caution d'un million de livres (1,40 million d'euros) aura été versée.
Il devra séjourner dans une résidence à Londres qui ne pourra pas être l'ambassade de son pays et devra se présenter une fois par jour à la police.L'audience devant statuer sur son extradition se tiendra les 29 et 30 octobre.
Depuis Kigali, le président rwandais Paul Kagame a remis en question le droit du Royaume-Uni d'arrêter M. Karake sur la base du mandat d'arrêt émis par l'Espagne, qui l'accuse de crimes de terrorisme en lien avec la mort de neuf Espagnols.
"L'arrestation du chef des services de renseignement du Rwanda est basée sur l'arrogance absolue et le mépris" de l'Occident, a-t-il accusé jeudi lors d'un discours très virulent devant le Parlement rwandais.
- Accusations 'très sérieuses' -
Le général Karenzi Karake, dit "KK", avait été arrêté samedi par la police britannique à l'aéroport de Heathrow et placé en détention provisoire depuis.
Au cours de l'audience jeudi, le juge a demandé au militaire âgé de 54 ans s'il consentait à être remis à l'Espagne. "Je n'y consens pas", a simplement répondu ce dernier, vêtu d'une combinaison verte et jaune.
A son entrée dans la salle, le général a levé ses mains serrées au-dessus de sa tête, suscitant des cris d'encouragement depuis la galerie où siège le public, pleine à craquer.
L'avocate Cherie Blair, la femme de l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair, était présente puisqu'elle est membre de l'équipe qui assure la défense de M. Karake, a confirmé son cabinet Omnia Strategy LLP.
"Nous sommes ravis de la libération du général", a-t-elle déclaré à la sortie de l'audience, doutant toutefois qu'il puisse sortir de prison dès jeudi soir.
"Nous allons remplir les conditions de la libération sous caution le plus rapidement possible, nous sommes très impatients de le voir libre", a déclaré de son côté le ministre rwandais de la Justice, Johnston Busingye, à la sortie du tribunal.
La défense de M. Karake avait initialement proposé une caution de 200.000 livres, que le juge a quintuplé en raison du caractère "très sérieux" des accusations.
- 'Affaire politique' -
Le général est mis en cause en Espagne pour des "crimes de terrorisme" en lien avec la mort ou la disparition de neuf espagnols, dont trois travailleurs humanitaires de Médecins du Monde en janvier 1997.
Selon l'acte d'accusation espagnol, le général Karake aurait "eu connaissance et approuvé le massacre de civils entre 1994 et 1997 dans les villes (rwandaises) de Ruhengeri, Gisenyi et Cyangugu, y compris la mort de trois travailleurs humanitaires espagnols".
Le général Karake est une figure de l'ex-rébellion du Front patriotique rwandais (FPR), majoritairement tutsi et dirigée par Paul Kagame, qui a mis fin au génocide de 1994 et dirige le pays depuis lors.
Le génocide déclenché en avril 1994 par le régime extrémiste hutu a fait 800.000 morts, essentiellement dans la minorité tutsi.
Le FPR est accusé de crimes contre des civils au Rwanda durant et après son offensive victorieuse sur Kigali, ainsi que, des années plus tard, dans des camps de réfugiés rwandais de l'est de la République démocratique du Congo (RDC).
A l'extérieur du tribunal londonien, un petit groupe de personnes ont manifesté pour réclamer la libération de leur "héros", brandissant des banderoles "Arrêtez d'humilier l'Afrique".
"Je ne crois pas du tout qu'il soit coupable, c'est une affaire politique", a déclaré Mutesi, une Rwandaise de 24 ans.
Comme plusieurs barons du régime avant et après lui, il est brièvement tombé en disgrâce en avril 2010, a été placé en résidence surveillée pour "mauvaise conduite", puis libéré quelques mois plus tard après avoir "demandé pardon".
Mi-2011, le général "KK" était finalement revenu sur le devant de la scène, pour prendre la tête des services de renseignements, tout puissants au Rwanda.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.