Au printemps 1994, alors que le génocide des Tutsi est en cours au Rwanda, "tous ceux qui prônaient une intervention de l'armée française étaient en fait favorables au gouvernement hutu", et voulaient le soutenir face aux rebelles tutsi du FPR (Front patriotique rwandais), a déclaré M. Balladur dans un entretien à France 24 et RFI. "J'étais extrêmement hostile à cette solution car cela aurait pris les allures d'une expédition coloniale" et "ça aurait fait de nous des acolytes de ce début de génocide", a insisté l'ancien Premier ministre de droite, qui gouvernait depuis un an en "cohabitation" avec le président socialiste François Mitterrand."J'ai pris une position parfaitement claire: ne pas intervenir entre les deux parties et interdire toute une série d'opérations proposées sur Kigali sous des prétextes humanitaires"."En empêchant notre armée" d'intervenir en soutien du gouvernement génocidaire hutu, "je l'ai garantie contre le risque d'être accusée d'avoir facilité le génocide", a insisté M. Balladur.Le génocide perpétré contre la minorité tutsi au Rwanda a fait plus de 800.000 morts selon l'ONU, entre avril et juillet 1994.La France a finalement lancé en juin 1994 dans le sud-ouest du Rwanda l'opération militaro-humanitaire Turquoise, sous mandat de l'ONU, visant à "faire cesser les massacres".Début avril, Paris avait aussi lancé une opération d'évacuation des étrangers à Kigali, l'opération Amaryllis, qui durera quelques jours. M. Balladur a épargné le président Mitterrand, sévèrement mis en cause dans le rapport Duclert, qui a conclu le mois dernier à des "responsabilités lourdes et accablantes" de la France dans le génocide au Rwanda."Le président et moi parlions du Rwanda très régulièrement. Je l'avais senti lui-même très hésitant, si bien qu'il n'avait jamais donné suite à des propositions d'un certain nombre de membres de son entourage qui voulaient que la France se porte au secours du gouvernement hutu", a déclaré M. Balladur.L'ancien Premier ministre a par ailleurs affirmé avoir "mis un terme aux fournitures d'armes" au Rwanda dès son arrivée à Matignon en mars 1993."Je ne prétends pas que tout ce que nous avons fait a été bien fait en temps utile", a ajouté M. Balladur, tout en réitérant que la France avait été la "seule" à agir au Rwanda, et en se disant "plein d'admiration" pour la mission de l'armée française dans le cadre de l'opération Turquoise.Interrogé sur les auteurs de l'attentat du 6 avril contre l'avion du président hutu Juvénal Habyarimana, élément déclencheur du génocide, M. Balladur a répondu: "je ne sais pas".Longtemps imputé par des responsables politiques et par la justice française au FPR de Paul Kagame, actuel président du Rwanda, cette question a empoisonné les relations entre Paris et Kigali pendant plus de 25 ans. Les poursuites contre des responsables rwandais ont été abandonnées en 2020, après une ordonnance de non-lieu fin 2018.
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