Un journaliste rwandais, qui venait de mettre en cause les autorités de son pays dans une tentative de meurtre d'un général en exil en Afrique du Sud, a été assassiné à Kigali, faisant monter un peu plus la tension à l'approche d'une élection présidentielle prévue début août.
Jean Leonard Rugambage, journaliste et directeur-adjoint du bi-mensuel Umuvugizi, "a été tué devant la porte de son domicile, quand il rentrait vers 22H00 (20H00 GMT)" jeudi soir, selon la police.
Le ou les assaillants ont criblé M. Rugambage de quatre balles, avant de prendre la fuite, dans une capitale réputée par ailleurs comme une des plus sûres d'Afrique.
Le journal indépendant en langue rwandaise Umuvugizi est interdit de publication par les autorités rwandaises depuis avril et pour une période de six mois.
Son rédacteur en chef, Jean Bosco Gasasira, vit en exil en Ouganda et continue les activités de son journal, désormais consultable sur internet mais dont l'accès est bloqué au Rwanda.
Dans une tribune en ligne, Umuvugizi a immédiatement accusé "le gouvernement de (Paul) Kagame d'avoir fusillé" M. Rugambage, après la parution d'un article récent accusant les autorités rwandaises d'être responsables de la tentative de meurtre le 19 juin à Johannesburg du général Faustin Kayumba Nyamwasa, l'ancien chef d'état-major rwandais aujourd'hui en exil en Afrique du sud.
Vendredi en fin d'après-midi, le gouvernement rwandais n'avait pas encore officiellement réagi à ces accusations, ni au meurtre du journaliste.
L'organisation Reporters sans frontières (RSF) a "exprimé son effroi et son indignation après ce meurtre (...), premier assassinat d'un journaliste au Rwanda" depuis 1998.
M. Rugambage, marié et père de deux enfants, "avait déjà été inquiété par les autorités à plusieurs reprises", selon RSF.
Accusé de "meurtre" commis pendant le génocide de 1994, puis condamné à un an d'emprisonnement pour "outrage à la cour", le journaliste avait été détenu pendant onze mois, entre 2005 et 2006, avant d'être finalement acquitté.
"A l'approche de l'élection présidentielle d'août 2010, les autorités organisent une campagne électorale verrouillée et monolithique en écartant l'opposition et étouffant toute voix critique.Cette entreprise a atteint son sommet avec l'assassinat, dans un véritable guet-apens, de ce journaliste reconnu", affirme RSF.
Le Comité pour la protection des journalistes a de son côté "appelé les autorités rwandaises à mener une enquête approfondie et transparente" à propos d'un assassinat qui "va ajouter au climat d'incertitude parmi les journalistes indépendants au Rwanda avant l'élection présidentielle".
Les signes de tensions se multiplient à l'approche du scrutin du 9 août, auquel le chef de l'Etat sortant Paul Kagame, au pouvoir depuis qu'il a mis fin en 1994, à la tête de la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR), au génocide anti-tutsi, est le grand favori.
Loué pour sa stabilité retrouvée, son engagement en faveur du développement ou la lutte contre la corruption, le "nouveau Rwanda" est néanmoins de plus en plus critiqué pour les sévères restrictions imposées à l'opposition, aux journalistes ou aux ONG internationales, le plus souvent au nom de la lutte contre "l'idéologie génocidaire".
Des dissensions sont également apparues au grand jour au sein de l'élite tutsi anglophone issue du FPR à la tête du pays, se traduisant par le départ en exil de plusieurs personnalités clé du régime, comme le général Nyamwasa.
Enfin, Kigali a été le théâtre en trois mois d'une série d'attentats à la grenade, qui ont fait au moins quatre morts, "actes de terrorisme et de déstabilisation" dont seraient responsables l'opposition en exil, selon le régime.
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