Jusqu'à la dernière minute, les diplomates marocains et américains ont laissé croire que la cérémonie organisée dans la petite ville de Dakhla, un grand port de pêche situé dans le sud du Sahara occidental, allait marquer l'ouverture d'une représentation provisoire sur ce territoire.
L'annonce de l'ouverture d'un consulat s'inscrit dans le sillage de l'accord de normalisation des relations entre le Maroc et Israël, qui doit s'accompagner de la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur l'ancienne colonie espagnole.
Mais le processus "prendra des mois", a reconnu dimanche l'ambassadeur américain, David Fischer, après avoir visité un des bâtiments proposés pour abriter le consulat à Dakhla, destiné à devenir un "hub maritime régional" grâce à un projet d'investissement colossal piloté par Rabat.
"C'est un jour historique", a affirmé le secrétaire d'Etat adjoint américain pour le Proche-Orient et l'Afrique du Nord, David Schenker, au cours d'un point de presse.
Il a rappelé qu'il y a un mois, le président Donald Trump annonçait à la fois la reconnaissance de "la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental" et que "le Maroc et Israël (...) allaient améliorer leurs relations diplomatiques".
De son côté, un responsable de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), Bachir Mustapha Sayed, s'est efforcé de minimiser la portée de la visite de la délégation américaine au Sahara occidental, la qualifiant de "tournée touristique de propagande organisée par le guide touristique marocain au profit d'une administration dont le mandat prendra fin dans moins de deux semaines", dans une interview à l'agence de presse officielle algérienne APS.La RASD a été proclamée en 1976 par les indépendantistes du Polisario.
L'événement, organisé aux derniers jours du mandat de M. Trump, est à rebours de la position des Nations unies qui considèrent le Sahara occidental comme un territoire autonome dans l'attente d'un statut définitif.
Il intervient alors que les négociations politiques menées par l'ONU sur le statut de ce territoire désertique, situé aux confins du Maroc, de l'Algérie et de la Mauritanie, piétinent depuis des décennies.
Rabat, qui contrôle environ les deux tiers de ce territoire, veut une "autonomie sous contrôle".Le Polisario, soutenu par l'Algérie voisine, milite pour l'indépendance et réclame un référendum d'autodétermination, prévu par l'ONU.
- "Conflit gelé " -
"Nous avons travaillé avec les Nations unies pour trouver une solution pacifique à ce conflit gelé et le mois dernier le président Trump a reconnu l'inévitable et formulé l'évidence: cette région est marocaine et le Maroc a la seule solution fiable et durable pour résoudre le destin de ce territoire", a souligné M. Fisher.
"Il s'agit aujourd'hui de sceller et sécuriser le partenariat" entre Rabat et Washington, a ajouté le diplomate, qui comme tous les ambassadeurs politiques nommés par le président sortant, est appelé à démissionner dans 10 jours, à l'arrivée de la nouvelle administration.
Le président américain élu Jo Biden n'a pas encore pris position sur ce dossier.
Pressées par le temps, les équipes de M. Trump ont déployé au pas de charge les dispositions de l'accord qui a fait du Maroc le quatrième pays à normaliser ses relations avec Israël -après les Emirats arabes unis, Bahreïn et le Soudan-, tout en légitimant sa présence au Sahara occidental.
La nouvelle carte du Maroc intégrant ce territoire a été adoptée par Washington trois jours après l'annonce de l'accord.Le premier vol commercial entre Tel-Aviv et Rabat a été affrété dix jours plus tard.
Un consulat "virtuel", destiné à dynamiser les échanges bilatéraux, a aussi été créé la semaine dernière, selon l'ambassade américaine.
L'accord inclut une enveloppe de trois milliards de dollars (2,4 milliards d'euros), débloquée par la Banque américaine de développement (DFC) pour le "soutien financier et technique de projets d'investissements privés" au Maroc et en Afrique subsaharienne.
S'y ajoute quelque 818 millions d'euros de la DFC pour l'entrepreneuriat féminin dans la région.
Au-delà du volet financier, Rabat considère la validation américaine de "son Sahara" comme "une percée diplomatique historique".
"Le Maroc se sent plus fort dans son combat légitime pour son intégrité territoriale (...) grâce au soutien de ses amis", a souligné dimanche le chef de la diplomatie marocaine Nasser Bourita.
Le Polisario a rompu mi-novembre le cessez-le-feu signé en 1991 sous l'égide de l'ONU après que le Maroc a déployé ses troupes dans une zone démilitarisée à la frontière de la Mauritanie pour "sécuriser" la seule route vers l'Afrique de l'Ouest, régulièrement coupée par des indépendantistes.
Une vingtaine de pays -dont les Comores, le Liberia, le Burkina Faso, Bahreïn ou les Emirats- ont ouvert des représentations diplomatiques à Dakhla ou à Laâyoune (nord), ce que le Polisario considère comme contraire au droit international.
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