Présentés un peu vite comme défaits, les islamistes somaliens shebab ont récemment montré par deux attaques audacieuses à Mogadiscio qu'ils conservaient une importante capacité de nuisance, en dépit de luttes internes sanglantes susceptibles de radicaliser encore le mouvement, selon des analystes.
Depuis qu'ils ont été chassés de Mogadiscio en août 2011 par la Force de l'Union africaine (Amisom) épaulant les troupes gouvernementales somaliennes, les shebab ont été contraints militairement d'abandonner la totalité de leurs bastions du centre et du sud de la Somalie.
Mais ils continuent de contrôler de vastes zones rurales.Et en avril et juin, ils ont durant plusieurs heures ramené pour la première fois depuis deux ans les combats au coeur de la capitale somalienne, lors de deux opérations spectaculaires menées par des commando-suicide contre un tribunal puis contre le principal complexe de l'ONU.
"Les shebab restent la menace principale à la survie du nouveau gouvernement somalien", avertit dans un récent rapport l'Institut pour les Etudes de sécurité (ISS), basé en Afrique du Sud, soulignant que "l'objectif futur du groupe islamique tend à ne plus être de diriger le pays mais de le rendre ingouvernable".
L'élection en septembre 2012 du président Hassan Cheikh Mohamoud, après une décennie de gouvernements transitoires sans pouvoir ou corrompus, a suscité l'espoir de doter enfin la Somalie d'une réelle autorité centrale.Le pays est livré au chaos depuis la chute du président Siad Barre en 1991.
Mais malgré le recul militaire des shebab, le nouveau gouvernement somalien peine toujours à asseoir son autorité dans plusieurs régions autonomes aux mains de chefs de guerre locaux.Quant à l'armée somalienne, elle tient plus de l'agrégat de milices que de la véritable armée nationale.
"Veillons à ne pas confondre la victoire symbolique consistant à hisser des drapeaux (somaliens) dans des centre-villes et la tâche bien plus ardue de contrôler" le pays, note un expert occidental en matière de sécurité.
Même la récente violente purge menée par le chef suprême des shebab Ahmed Abdi Godane contre une dizaine de commandants contestant son autorité n'a pas empêché la poursuite des actions du mouvement.
"Malgré des luttes internes graves, les shebab ont intensifié leurs attaques (...) ébranlant la fragile impression de sécurité dans la capitale", écrivait fin juin l'International Crisis Group (ICG).
Les sanglants affrontements intra-shebab ont étalé au grand jour les fractures existant depuis longtemps au sein du mouvement, entre notamment les "nationalistes" somaliens et les tenants "du djihad mondial", mais aussi la volonté de Godane d'écarter toute opposition à son autorité pour favoriser une ligne plus radicale, selon des analystes.
Fin juin, ses hommes ont tué deux chefs historiques des shebab: Ibrahim Haji Jama Mead, surnommé Al-Afghani ("l'Afghan") pour avoir été formé et avoir combattu avec les talibans en Afghanistan, et Abdul Hamid Hashi Olhayi.
Al-Afghani était supposé être l'auteur d'un courrier très critique sur l'action de Godane, adressé au chef d'Al-Qaïda Ayman al-Zahawiri et publié sur des sites islamistes.
Sa mort est un événement "très important", note Stig Jarle Hansen, universitaire norvégien auteur d'un livre sur les shebab qui se demande comment la direction centrale d'Al-Qaïda, que les shebab ont formellement rallié en 2012, y réagira.
Al-Afghani était un commandant "très populaire au sein d'Al-Qaïda", et faisait le lien entre les tendances "nationaliste" et djihadiste" au sein des shebab, ajoute Hansen, notant que Godane va désormais devoir s'atteler à la difficile tâche d'imposer son autorité sur un mouvement fragmenté et de conserver la loyauté de certains chefs historiques.
"Un scénario possible si Godane échoue (à unir le mouvement autour de lui) est que les shebab deviennent une sorte d'Armée de résistance du Seigneur (LRA) (...) une organisation uniquement basée sur la terreur et le charisme de son chef", estime M. Hansen, en référence à la rébellion ougandaise, réduite à quelques centaines de combattants insaisissables qui errent en Afrique centrale en semant l'horreur parmi les populations civiles.
Les shebab "pourraient devenir une nébuleuse dont il faudra aussi se méfier au Kenya et en Tanzanie", poursuit-il.
Dans cette purge, deux autres dirigeants emblématiques du mouvement ont échappé aux fidèles de Godane.
Le premier, Moktar Robow, a trouvé refuge dans sa région du Sud-Bakool et semble pour l'heure hors-jeu.Quant à Hassan Dahir Aweys, figure historique des islamistes en Somalie, visé par des sanctions américaines et de l'ONU pour ses liens avec le terrorisme, il a été arrêté dans sa fuite par les autorités somaliennes.
Mais la "capture d'Aweys ne marque pas la fin des shebab", estime l'analyste somalien Abdihakim Ainte sur le site African Arguments, hébergé par la Britain Royal African Society.Elle pourrait au contraire encourager "les tenants de la ligne dure à mener plus d'assauts meurtriers afin de contrer l'impression que les shebab sont sur la défensive".
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.