Somalie: sous pression, le président se résout aux élections

Infos. Le président somalien Mohamed Abdullahi Mohamed, mis sous pression par ses alliés, a appelé à la tenue d'élections à l'issue d'une journée de mardi qui avait vu des habitants de Mogadiscio quitter leurs quartiers, craignant de nouveaux affrontements armés.

Somalie: sous pression, le président se résout aux élections

Le dirigeant s'adressera au parlement samedi afin d'"obtenir son approbation pour le processus électoral" et appelle les acteurs politiques à tenir des "discussions urgentes" sur la manière de conduire le vote, a dit celui qui est surtout connu sous son surnom de "Farmajo", lors d'une allocution diffusée sur les médias d'Etat à 01h00 locale.

La tension était vive mardi dans la capitale, deux jours après des échanges de tirs entre forces gouvernementales et pro-opposition qui ont fait trois morts. Dans plusieurs quartiers, des habitants quittaient leur maison, entassant leurs affaires sur des charrettes tirées par des ânes ou fuyant en minibus ou en tuk tuk.

De telles violences à caractère politique n'ont plus été observées depuis plusieurs années en Somalie, pays à l'équilibre précaire déjà confronté à la rébellion islamiste des Shebab affiliés à Al-Qaïda.Elles ont ravivé le spectre des combats urbains entre factions claniques rivales qui ont ravagé Mogadiscio au plus fort de la guerre civile. 

Les tensions politiques enflaient depuis la fin du mandat du président Farmajo, qui a expiré le 8 février sans que des élections puissent être organisées.Le 12 avril, le Parlement a voté une loi prolongeant son mandat de deux ans dans l'attente de l'organisation d'un scrutin, à la fureur de l'opposition.

L'impasse électorale s'est transformée en affrontements armés dimanche soir, alors que des combattants alliés à l'opposition installaient des barrages dans plusieurs quartiers de Mogadiscio.

- Appel du Premier ministre -

Mardi, deux des cinq Etats semi-autonomes qui composent le pays, ceux de Galmudug et d'Hirshabelle, ont officiellement rejeté la prolongation du mandat présidentiel et appelé à la tenue d'élections.

Allié de Farmajo, le Premier ministre Mohamed Hussein Roble a salué cette déclaration et appelé à "l'accélération d'élections justes et libres".

Il a également appelé les commandants militaires à "ramener leurs forces à leur base" et exhorté les leaders de l'opposition à "arrêter les actes et mouvements qui peuvent générer un conflit violent".

Dans son discours, Farmajo a assuré que ses partisans et lui avaient "toujours été prêts à organiser des élections pacifiques et au moment approprié dans le pays", mais que "malheureusement, nos initiatives ont été entravées par des individus et par des entités étrangères qui n'ont d'autre but que de déstabiliser le pays et de le ramener à l'ère de la division et de la destruction afin de créer un vide constitutionnel".

L'inquiétude grandit sur un possible éclatement des forces de sécurité.

Dans un communiqué mardi, la mission de l'Onu en Somalie (Unsom) s'est dite "particulièrement alarmée par la fragmentation émergente de l'armée nationale somalienne (SNA) selon des lignes claniques"."Le recours aux forces de sécurité pour la poursuite d'objectifs politiques est inacceptable".

Selon le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG), "le déclencheur immédiat" des violences de dimanche est l'arrivée dans la capitale d'unités de l'armée fidèles à l'un des candidats à la présidentielle de l'opposition, qui ont abandonné leurs bases dans le centre-sud d'Hirshabelle, région qui constitue une des lignes de front de la lutte contre les Shebab.

Ces troupes, qui ont érigé des barrages tenus avec des véhicules équipés de mitrailleuses, "contrôlent désormais des sections de la capitale", a indiqué l'ICG.

- "Peur pour nos vies" -

Depuis lundi, chaque camp a consolidé ses positions, suscitant la peur des habitants.

"Des hommes armés vêtus d'uniformes militaires sont venus vers nous (...) et nous ont dit de partir avec nos femmes et nos enfants", raconte ainsi Abdi Ali Abdi.

A Sigale, un quartier du sud de la ville, des habitants ont indiqué que des renforts de l'opposition étaient arrivés dans la nuit et s'étaient installés non loin des positions des forces pro-gouvernementales.

"Nous craignons pour nos vies parce qu'il y a des forces à la fois du gouvernement et de l'opposition.Nous avons choisi de partir avant qu'il ne soit trop tard", a déclaré Shamis Ahmed, une mère de cinq enfants. 

La plupart des acteurs politiques somaliens disposent de combattants et d'armes et les allégeances aux clans, puissantes en Somalie, ont été ravivées par le conflit électoral, estiment des analystes.

"Quand on évoque un effondrement des forces de sécurité selon des lignes claniques, ça rappelle vraiment la guerre civile qui a débuté à la fin des années 80/début des années 90", prévient Omar Mahmood, analyste à l'ICG.

En 1991, la chute du régime militaire de Siad Barré avait précipité la Somalie dans une guerre de clans, dont les milices se sont affrontées durant des années dans les rues de Mogadiscio, avant que n'apparaisse la rébellion islamiste des Shebab, qui ont contrôlé la capitale jusqu'en 2011 avant d'en être chassés par les troupes de l'Amisom.

Les Shebab contrôlent toujours de larges portions du territoire et mènent régulièrement des attaques contre des cibles gouvernementales, militaires et civiles, à Mogadiscio et dans plusieurs grandes villes du pays.

Lundi, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres avait "exhorté toutes les parties prenantes somaliennes à reprendre des négociations immédiatement" pour sortir de la crise.

Les Etats-Unis, allié-clé du pouvoir somalien, ont également exprimé leur inquiétude, disant "envisager tous les instruments disponibles, y compris les sanctions".

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