Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a effectué vendredi une visite surprise au Soudan du Sud pour exiger un cessez-le-feu dans le conflit dévastant depuis quatre mois ce pays menacé de famine et de génocide.
Cette visite est l'initiative diplomatique la plus forte pour tenter d'imposer une trève dans cette guerre civile engagée le 15 décembre, qui a vu la nation la plus jeune de la planète s'enfoncer dans les massacres ethniques.
Arrivé à Juba, le chef de la diplomatie américaine s'est directement rendu à une réunion avec le président Salva Kiir, a constaté un journaliste de l'AFP l'accompagnant.
Selon des sources américaines, le secrétaire d'Etat s'entretiendra ensuite téléphoniquement avec le chef de la rébellion, l'ancien vice-président Riek Machar.
"Le secrétaire Kerry va répéter l'obligation pour toutes les parties de respecter l'accord de cessez-le-feu" signé en janvier - mais jamais respecté - et "de cesser immédiatement les attaques contre les civils", a déclaré une porte-parole du département d'Etat, Jen Psaki.
Il poussera également les belligérants à "coopérer totalement avec les Nations unies et les organisations humanitaires pour protéger les civils et fournir une assistance vitale à la population", a ajouté Mme Psaki.
La communauté internationale ne cesse de s'indigner - sans résultat - des atrocités (massacres ethniques, viols, recrutement par milliers d'enfants-soldats...) commises par les forces gouvernementales et rebelles.
A la lutte de pouvoir entre Salva Kiir, qui accuse de tentative de coup d'Etat Riek Machar, et ce dernier, qui dénonce un prétexte inventé par le président pour éliminer des rivaux politiques, se greffent de vieux antagonismes entre peuples dinka et nuer, dont sont respectivement issus les deux hommes.
Mi-avril, plus de 200 personnes avaient été massacrées par les rebelles lorsqu'ils avaient repris aux forces gouvernementales la ville pétrolifère de Bentiu, dans le Nord. A la même époque, une foule furieuse soutenant le gouvernement avait ouvert le feu sur un camp de l'ONU abritant quelque 5.000 civils, en tuant une cinquantaine et en blessant plus de 100 à Bor, dans l'Est.
- Risques de 'génocide' -
Les Etats-Unis ont été à plusieurs reprises appelés à intervenir dans ce conflit, car ils ont été le principal artisan de l'accession du Soudan du Sud à l'indépendance en 2011, après plus de deux décennies (1983-2005) de sanglante guerre civile contre Khartoum.Ils lui ont depuis versé des milliards de dollars d'aide.
John Kerry avait signifié jeudi en Ethiopie, où des pourparlers de paix sont dans l'impasse, que Washington perdait patience, se disant "franchement déçu" par la conduite de MM.Kiir et Machar.
De plus, "il y a des indicateurs extrêmement troublants de tueries ethniques, tribales (...) qui, si elles devaient continuer, présenteraient un très sérieux défi à la communauté internationale sur cette question du génocide", avait-il ajouté.
Il s'était tout autant alarmé d'un risque de "famine".
Le président américain Barack Obama a signé le mois dernier un décret autorisant des sanctions (saisie d'actifs, interdiction de visa) contre quiconque menacerait les efforts de paix au Soudan du Sud.
Selon des sources diplomatiques américaines, M. Kerry a rencontré tôt vendredi à Addis Abeba des représentants de l'Union africaine, avec qui il a évoqué "l'étendue des atrocités au Soudan du Sud et la nécessité d'en pointer les responsabilités".
Des milliers de personnes ont déjà péri - probablement des dizaines de milliers, mais les bilans précis manquent -, tandis qu'au moins 1,2 million de Sud-Soudanais ont fui leurs foyers, dans ce pays parmi les plus pauvres de la planète.
Les camps de l'ONU à travers le pays abritent, dans des conditions épouvantables, plus de 78.000 civils craignant d'être massacrés s'ils se risquent à mettre un pied dehors.Les organisations humanitaires ont prévenu que le Soudan du Sud était au bord de la pire famine que l'Afrique ait connue depuis les années 1980.
Mercredi, la Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme avait dressé un tableau tout aussi sombre, "atterrée" par l'indifférence des chefs des deux camps au sort de leur population.
"Le mélange mortel de griefs mutuels, d'appels à la haine et de tueries de représailles (...) semble prêt à entrer en ébullition et (...) ni les dirigeants sud-soudanais, ni la communauté internationale ne semblent réaliser à quel point la situation est désormais dangereuse", avait-elle déclaré à Juba.
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