Les vols internationaux sont pleins et les motos se fraient difficilement un chemin dans les embouteillages.La vie semble avoir repris son cours normal dans la capitale sud-soudanaise Juba.
Mais ce n'est encore qu'apparences.Et les deux bases de l'ONU, où sont encore entassés 45.000 déplacés, rappellent douloureusement à la réalité: le conflit sud-soudanais est loin d'être terminé.
"Nous sommes contraints par la guerre de rester ici", lâche John Chuol, un étudiant."Il n'y a pas de paix.Si on rentre chez nous, on se fait tuer".
A Juba comme ailleurs dans le pays, ces camps installés dans les bases de l'ONU sont le résultat d'une féroce lutte de pouvoir entre dirigeants issus des deux principaux groupes ethniques du pays, les Dinka et les Nuer.
Le conflit a commencé le 15 décembre à Juba avant de s'étendre au reste du pays, sur fond de rivalité entre le président Salva Kiir, dinka, et son ex-vice président Riek Machar, nuer.
Dans les Etats du Jonglei (est), du Haut-Nil (nord-est) et d'Unité (nord), qui, en dehors de Juba, ont été le théâtre des plus violents combats, la population est désormais systématiquement classée en fonction de son appartenance ethnique.
Et la fragile notion d'unité nationale née avec l'indépendance du Soudan du Sud en juillet 2011 s'est évanouie.
Peter Akoy, un autre étudiant réfugié dans le camp onusien, porte fièrement un bracelet aux couleurs du drapeau sud-soudanais.Un drapeau dont il espérait qu'il signerait la fin des décennies de guerre qui avaient ravagé la région jusqu'à l'indépendance.
Mais avec les récents combats, a aussi disparu "le rêve que le Soudan du Sud serait vraiment notre pays, notre terre", glisse-t-il.
- Soldats accusés de tueries -
De nombreux témoignages ont fait état de fusillades à l'intérieur même des bases onusiennes.Désormais, seules les femmes sortent pour aller chercher de l'eau.Trop d'hommes disparaissaient en s'éloignant des camps.
A Juba, presque tous les déplacés réfugiés dans les bases onusiennes sont des Nuer, fuyant les soldats dinka de l'armée fidèles au président Kiir.
Le gouvernement a annoncé l'arrestation d'une centaine de ces soldats, accusés de tueries ethniques au cours d'opérations de ratissage dans des quartiers nuer dont il ne reste plus que cendres et gravats.Et des cadavres coincés en dessous.
Les soldats "parlent de guerre civile entre Dinka et Nuer, et ils nous visent", lâche John Chuol.
Dans un recoin du camp onusien organisé en quartier "VIP", un homme politique qui refuse de donner son nom explique qu'il n'ose même pas tenter de quitter le pays : prendre un avion implique des autorisations de deux ministères.Et encore après, il n'est pas rare que les forces de sécurité viennent vous chercher à bord de l'avion pour vous placer ensuite en résidence surveillée.
D'autres racontent que ceux qui fuient en bus vers l'Ouganda se font aussi arrêter, et disparaissent.
Pour le président Kiir, le camp Machar est responsable du conflit : il l'accuse d'avoir tenté un coup d'Etat.
Riek Machar nie en bloc, et reproche en retour à Salva Kiir de ne chercher qu'à écarter toute compétition au sein du parti au pouvoir, le SPLM, issu de l'ex-rébellion sudiste qui a affronté Khartoum lors de la longue guerre civile (1983-2005) pré-indépendance, à l'approche d'échéances électorales en 2015.
Dans l'une des nombreuses échoppes de Juba, Tombe Moka, un agent de voyage, explique que les Nuer ont tous fui.Mais que les étrangers, qui forment une grande part des commerçants de Juba, commencent à revenir dans la capitale, désormais "sûre" selon lui.
Le ballet d'hélicoptères de combat qui survolent la ville rappellent pourtant que la guerre est loin d'être finie.
Mardi encore, selon des sources concordantes, les rebelles ont d'ailleurs lancé une vaste offensive contre la ville stratégique de Malakal, dans le Haut-Nil.
Et pendant ce temps dans les camps, les déplacés, en particulier les enfants, dépérissent.
"Nous voyons des enfants mourir ici à l'hôpital parce qu'ils sont très très faibles", déplore Anna Cilliers, infirmière pour Médecins sans frontières, en berçant un bébé de six semaines fiévreux.
Avec le manque d'abris, de nourriture et d'équipements sanitaires, les "maladies sévissent", ajoute-t-elle.Et la situation ne risque que d'empirer quand les pluies commenceront en avril.
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