Le maintien de troupes du Soudan du Sud dans la région frontalière contestée d'Abyei menace la paix avec le Soudan, près de trois ans après la partition, prévient un conseiller du président soudanais dans un entretien à l'AFP.
Grande comme le Liban avec une population sédentaire d'une centaine de milliers d'habitants, Abyei, prise en étau entre Soudan et Soudan du Sud, est l'un des points majeurs de crispation entre les deux pays depuis l'indépendance du sud en juillet 2011.
La présence des militaires sud-soudanais "est peu propice à la paix et peut créer de nouveaux problèmes", prévient Ibrahim Ghandour, proche conseiller du président Omar el-Béchir, dans cet entretien réalisé jeudi.
En octobre 2013, la population Ngok Dinka d'Abyei a voté à 99.9% pour le rattachement au Soudan du Sud, lors d'un référendum que ni Khartoum ni Juba n'ont reconnu.L'autre communauté de la région, les Misseriya, favorables au pouvoir à Khartoum, a boycotté le scrutin.
Plus que stratégique, l'intérêt que portent Juba et Khartoum à ce territoire est essentiellement symbolique et affectif, de nombreux responsables soudanais et sud-soudanais en étant originaires.
La situation est "explosive" à Abyei, affirme l'ONU qui a demandé en 2012 à Juba et Khartoum d'en retirer leurs hommes.Il y reste environ 660 soldats et policiers sud-soudanais et 150 policiers soudanais, selon l'ONU.
Sans perspective d'accord, la force intérimaire de l'ONU pour Abyei est la seule autorité de la région.
"Nous allons essayer tous les moyens politiques et diplomatiques ainsi que les pistes proposées par l'Union africaine", médiateur dans le conflit, pour régler la question, assure M. Ghandour.
Khartoum veut éviter toute solution militaire, ajoute-t-il alors que d'autres tensions persistent entre les deux pays liées la question pétrolière et aux accusations mutuelles de soutien à divers groupes armés.
- Rébellions -
Cette volonté diplomatique s'explique également par la multiplication des conflits au Soudan, où le pouvoir est confronté depuis trois ans à une rébellion du SPLM-N, branche nord du Mouvement populaire de libération du Soudan dans les Etats du Kordofan-Sud et du Nil Bleu.
L'Union Africaine, qui joue également le rôle de médiateur dans ce dossier, a appelé à un accord pour le 30 avril, après deux rounds de discussions."C'est possible", commente optimiste M. Ghandour."Nous ne voulons pas d'un conflit sans fin".
Troisième front, encore une fois sur le bureau de l'Union africaine: le Darfour.Cette région de l'ouest aussi grande que la France est en proie depuis plus de 10 ans à un conflit qui a fait des centaines de milliers de morts, et plus de deux millions de déplacés, selon l'ONU.
Ces conflits ne pourront être réglés que dans un cadre global, estiment les analystes.
Mais pour M. Ghandour "chaque cas est différent".
Et d'admettre que les insurrections reste le plus gros défi du régime Béchir.
- Crise économique -
Le pays doit parallèlement faire face à une économie en chute libre, à une crise politique profonde et à une contestation contre l'arrêt de subventions qui a fait descendre des milliers de personnes dans les rues en septembre 2013, un mouvement d'une ampleur sans précédent depuis l'accession au pouvoir de M. Béchir en 1989, à la faveur d'un coup d'Etat.
L'inflation flirte avec les 40%, et la hausse de prix est "intolérable" pour les Soudanais, reconnaît M. Ghandour.
"Il y a toujours une possibilité que les gens manifestent, mais les Soudanais sont très intelligents (...) De ce qu'ils voient autour de nous, je pense qu'ils croient qu'il vaut mieux être patient, d'autant que le gouvernement prend des mesures importantes pour améliorer la situation économique", assure-t-il.
Face à la dégradation de la situation, Omar el-Béchir a appelé en janvier à un débat politique national et à la "renaissance" du pays, dans une tentative de tendre la main à l'opposition, en prévision de la présidentielle de 2015.
Le président sera-t-il candidat à un nouveau mandat ? Tout dépendra de la convention de son parti, le Parti du congrès national, en octobre prochain, dit son conseiller.
M. Béchir "a dit maintes fois qu'il ne voulait pas (être candidat), mais la décision dépendra de la convention".
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