Le chef des rebelles au Soudan du Sud Riek Machar veut s'emparer de la capitale Juba et de champs pétroliers clés, a-t-il affirmé dans une interview exclusive à l'AFP, prévenant que la guerre civile ne s'arrêtera pas avant la chute du président Salva Kiir.
Alors qu'on entre dans le cinquième mois de combat et que les pourparlers de paix patinent, Riek Machar, ancien vice-président, a qualifié son rival, le président Salva Kiir, de "dictateur" et ne voit "pas de raison de partager le pouvoir" avec lui.
"Si on doit faire tomber le dictateur, Juba est une cible, les champs pétroliers sont des cibles", a déclaré Riek Machar dans une interview à l'AFP lundi soir, dans un lieu tenu secret dans l'Etat du Haut-Nil, une des régions pétrolières du plus jeune pays du monde, indépendant depuis 2011.
Le conflit sud-soudanais, qui a fait des milliers de morts et près de 900.000 déplacés, a éclaté le 15 décembre dans la capitale Juba, avant de s'étendre à d'autres Etats importants de ce pays producteur de pétrole.Il oppose des soldats loyaux au gouvernement à des militaires mutins qui ont rejoint l'ex-vice président Machar, limogé à l'été 2013.
Le conflit a rapidement pris une tournure inter-ethnique entre les Dinka du président Kiir et les Nuer de Riek Machar.
"Nous ne faisons que résister à un régime qui veut nous détruire", a plaidé Riek Machar, disant espérer que le cessez-le-feu, signé le 23 janvier mais constamment violé, "sera respecté par les deux parties".
Assis sur un chaise de plastique dans son camp de base - une douzaine de huttes de terre dans une prairie - le chef rebelle de 62 ans à la barbe grisonnante, vêtu d'un treillis militaire, a confié accepter l'idée d'un face-à-face avec le président Kiir, mais qu'il y voyait peu d'intérêt.
"De quoi parlerions-nous?Il est un chef discrédité qui a commis des massacres, j'espère qu'il accepte cela".
Selui lui, Salva Kiir "achète de plus en plus d'armes et de munitions" en "exploitant nos ressources" pétrolières.
De durs combats ont eu lieu mardi près de l'importante ville pétrolière de Bentiu, que les rebelles tentent de reprendre.
- "Réactions spontanées" -
Avant que le conflit n'éclate, le pétrole fournissait 95 % du budget du Soudan du Sud, qui avait obtenu son indépendance après des décennies de guerre civile.
Début avril, les Nations-Unies ont prévenu que le pays, où la saison des pluies commence, pourrait connaître la pire famine à frapper le continent africain depuis des décennies, si le cessez-le-feu permettant aux fermiers de retourner à leurs champs n'était pas respecté et si le pays ne recevait pas davantage d'aide humanitaire de l'étranger.
L'UNICEF a indiqué que jusqu'à 50.000 enfants allaient mourir dans les prochains mois si une action immédiate n'était pas mise en oeuvre, alors qu'une autre agence de l'ONU indiquait que plus de sept millions de personnes, soit 60% de la population, ont besoin d'aide alimentaire pour survivre.
Mais Riek Machar, qui affirme commander une alliance élargie de soldats ayant quitté l'armée et de milices ethniques, a affirmé qu'il n'y aurait pas de paix tant que le président Kiir serait au pouvoir.Il a jugé les pourparlers de paix biaisés car certains médiateurs régionaux - principalement l'Ouganda - sont aussi "des parties dans le conflit".
"Nous n'avons pas le choix, nous avons un tyran à Juba que nous devons chasser du pouvoir", a-t-il déclaré, soutenant que toute tentative des pays de la région de protéger les champs pétrolifères ne ferait qu'aggraver le conflit.
A propos des menaces de sanctions des Etats-Unis contre ceux qui menacent le processus de paix ou violent les droits humains, Riek Machar a assuré n'avoir rien à craindre.
"Je crois que c'est une bonne chose si cela amène ceux impliqués dans le conflit à se retenir et j'espère que Juba pensera de la même façon", a-t-il estimé.
Il a toutefois admis qu'il "ne pouvait pas totalement nier" qu'il y ait peut-être eu des violations des droits de l'homme, particulièrement au début du conflit alors que certains combattants ont eu des "réactions spontanées".
Les deux partis dans le conflit ont été accusés de crimes de guerre, incluant massacres, violences sexuelles, pillage d'aide humanitaire et recrutement d'enfants soldats.
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