Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a annoncé vendredi avoir obtenu l'accord du président du Soudan du Sud et du chef rebelle pour des pourparlers face-à-face afin de faire cesser la guerre ravageant le pays depuis plus de quatre mois.
Après une rencontre à Juba avec le président Salva Kiir, M. Kerry a souligné que le conflit, marqué par des atrocités et des crimes de guerre des deux camps, devait s'arrêter car le pays glissait vers le génocide et la famine.
"Le coût humain monstrueux que nous avons constaté au cours des derniers mois est inacceptable pour la communauté internationale", a déclaré le chef de la diplomatie américaine, pointant un risque de "famine majeure".
- Menaces de sanctions -
Après avoir été menacés de sanctions ciblées, le président Kiir et son ancien vice-président devenu chef de la rébellion, Riek Machar, ont accepté pour la première fois de se rencontrer face-à-face pour des négociations en Ethiopie voisine, qui servira de médiatrice, selon des sources américaines.
Le président américain Barack Obama avait signé le mois dernier un décret autorisant des sanctions (saisies d'actifs, interdictions de visa) contre quiconque menacerait la paix au Soudan du Sud.
Salva Kiir "est prêt à se rendre prochainement à Addis Abeba, probablement en début de semaine prochaine, afin d'engager une discussion avec le Premier ministre (éthiopien) et, nous l'espérons, avec Riek Machar qui, auparavant a indiqué sa volonté au Premier ministre éthiopien", a précisé M. Kerry, ajoutant qu'il parlerait ce jour au téléphone avec Riek Machar.
"On peut dire avec certitude que le président Kiir était très ouvert (...) à l'idée de prendre des mesures énergiques pour mettre fin à la violence, appliquer l'accord de cessez-le-feu (signé le 23 janvier mais jamais respecté) et commencer à collaborer avec respect à un gouvernement de transition", a expliqué le diplomate américain.
La visite surprise de M. Kerry est l'initiative diplomatique la plus forte pour tenter d'arrêter cette guerre civile engagée le 15 décembre, qui a plongé la nation la plus jeune et parmi les plus pauvres de la planète dans les atrocités des forces gouvernementales et rebelles: massacres ethniques, viols, recrutement par milliers d'enfants-soldats...
A la lutte de pouvoir entre Salva Kiir, qui accuse de tentative de coup d'Etat Riek Machar, et ce dernier, qui dénonce un prétexte inventé par le président pour éliminer des rivaux politiques, se greffent de vieux antagonismes entre peuples dinka et nuer, dont sont respectivement issus les deux hommes.
Mi-avril, plus de 200 personnes avaient été massacrées par les rebelles lorsqu'ils avaient repris la ville pétrolifère de Bentiu, dans le Nord.
A la même époque, une foule furieuse soutenant le gouvernement avait tiré sur une base de l'ONU abritant quelque 5.000 civils, en tuant une cinquantaine et en blessant plus de 100 à Bor, dans l'Est.
- Risque de 'génocide' -
Des milliers de personnes ont déjà péri - probablement des dizaines de milliers, mais les bilans précis manquent -, tandis qu'au moins 1,2 million de Sud-Soudanais ont fui leurs foyers.
Huit bases de l'ONU abritent, dans des conditions épouvantables, plus de 78.000 civils craignant d'être massacrés s'ils se risquent à sortir.
Les organisations humanitaires ont prévenu que le Soudan du Sud était au bord de la pire famine que l'Afrique ait connue depuis les années 1980.
Les Etats-Unis ont été le principal artisan de l'accession du Soudan du Sud à l'indépendance en 2011, après plus de deux décennies (1983-2005) de sanglante guerre civile contre Khartoum, et l'ont soutenu à coups de milliards de dollars.
John Kerry avait signifié jeudi en Ethiopie, où les pourparlers de paix sont dans l'impasse, que Washington perdait patience, et s'était inquiété d'"indicateurs extrêmement troublants" faisant craindre un prochain "génocide".
Mercredi, la Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme Navi Pillay s'était dite "atterrée" par l'indifférence de MM.Kiir et Machar envers le sort de leur population.
"Le mélange mortel de griefs mutuels, d'appels à la haine et de tueries de représailles (...) semble prêt à entrer en ébullition et (...) ni les dirigeants sud-soudanais, ni la communauté internationale ne semblent réaliser à quel point la situation est désormais dangereuse", avait-elle déclaré à Juba.
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