Le président du Tchad Idriss Deby Itno, investi lundi pour un cinquième mandat, reste un guerrier dans l'âme, précieux allié de la France et de ses voisins africains contre les jihadistes, sans être parvenu à juguler la pauvreté qui étrangle son pays.
Aussi à l'aise en boubou ou en costume trois-pièces qu'en treillis, le regard souvent masqué par des lunettes teintées aux fines montures, l'ancien militaire de 64 ans a acquis une stature de premier plan sur le continent grâce à son armée considérée comme l'une des meilleures de la région.
En première ligne aux côtés des soldats français, ses troupes sont parties à l'assaut des jihadistes du Nord-Mali en 2013, puis sont intervenues en 2014 en Centrafrique avant de se retirer après des accusations d'exactions.
Début 2015, l'armée tchadienne lance une vaste offensive au Cameroun, au Nigeria et au Niger contre les islamistes de Boko Haram, avec l'annonce de nouveaux renforts en juin après une attaque massive de Boko Haram à Bosso dans le sud-est du Niger.
Cette détestation de longue date des jihadistes est d'ailleurs un trait de caractère du président tchadien, de confession musulmane dans un pays où les chrétiens forment plus d'un tiers de la population.
Ses interventions lui valent de solides appuis chez les Occidentaux, particulièrement en France, ancienne puissance coloniale et alliée de longue date."C'est un homme clé (...), un des rares qui ait une vision" dans la région, souligne un haut responsable français.
- Pas de retraite pour le guerrier -
Mais à N'Djamena, ce soutien inquiète l'opposition, qui qualifie de "hold up" électoral sa réélection au premier tour en avril avec 59,92% des voix.
Arrivé second avec 12,77%, le chef de file des opposants Saleh Kebzabo invite en vain la communauté internationale à reconnaître "la nature dictatoriale" du régime.
Guerrier aguerri, M. Deby n'a pas gagné la lutte contre l'extrême pauvreté d'une majorité des quelque 12,8 millions de Tchadiens malgré l'entrée de son pays en 2003 dans le club des pays producteurs de pétrole.
Baisse des cours du pétrole, creusement des déficits: les grèves se multiplient contre les salaires impayés chez les fonctionnaires.Illustration du malaise social dans une partie de la population, des manifestations - interdites - de la société civile avaient appelé M. Deby à ne pas se représenter début 2016.
Mais pour le chef de guerre, pas question d'envisager la retraite, ni sa succession."Il est convaincu d'être immortel, il se comporte comme un guerrier", explique une source française.
Pour le président, la vie est une succession de combats depuis sa naissance en 1952 à Berdoba (nord-est) dans une famille zaghawa, une branche du groupe gorane, présente de part et d'autre de la frontière tchado-soudanaise.
- Destin croisé avec Habré -
Le jeune Deby se destine rapidement au métier des armes.Baccalauréat en poche, il entre à l'école d'officiers de N'Djamena puis décroche en France son brevet de pilote.
Rentré au pays, il lie son destin à celui d'Hissène Habré, qui prend le pouvoir en 1982.En mai, ce dernier s'est vu condamné à la perpétuité pour crime contre l'humanité par une juridiction africaine spéciale à Dakar.
Commandant en chef des armées, Idriss Deby voit son aura croître avec la guerre de "reconquête" qui permet au Tchad de reprendre le Nord occupé par les Libyens.Conseiller militaire du président, il est accusé de complot en 1989 et s'enfuit en Libye, puis au Soudan.Il y fonde sa propre armée, le Mouvement patriotique du salut (MPS).
En décembre 1990, ses troupes prennent N'Djamena.Au pouvoir, il ouvre le pays au multipartisme.Elu en 1996 et réélu depuis, l'opposition lui reproche des fraudes électorales.
Au fil des ans, Deby déjoue complots, attaques ou "rezzous" de rebelles qui arrivent aux portes du palais présidentiel en février 2008.A cette période, dans la confusion de l'après-combat, un des principaux opposants, Ibni Oumar Mahamat Saleh, est arrêté par les forces de sécurité.Il est depuis donné pour mort.
De la même façon plusieurs soldats tchadiens sont toujours portés disparus depuis le scrutin du mois d'avril, soupçonnés de ne pas voté en faveur du président-guerrier.
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