Les émeutes ont fait au moins cinq morts au Gabon où règne une ambiance insurrectionnelle, tandis que l'opposant Jean Ping se proclame "président élu", réclamant un recomptage des voix, bureau de vote par bureau de vote afin de chasser Ali Bongo.
"Le monde entier connaît qui est le président de la République: c'est moi, Jean Ping", a lancé l'opposant, bravant implicitement le président sortant qui avait revendiqué jeudi sa légitimité face à une opposition qu'il jugeait destructrice et antidémocratique.
"En tant que président élu, je suis naturellement très préoccupé par la situation de notre pays qui évolue vers un chaos généralisé.Aussi j'en appelle à la responsabilité des uns et des autres, afin que le pays retrouve le chemin de l'apaisement", a dit M. Ping lors d'une conférence de presse à son domicile de Libreville vendredi, lors de sa première déclaration depuis la proclamation de la victoire du président sortant.
"Je sais, a-t-il ajouté, que l'apaisement ne peut survenir que si la vérité des urnes (...) est rétablie et respectée sur la base du comptage des voix, bureau de vote par bureau de vote."
Il a rappelé qu'il s'agissait d'une exigence formulée par "le Conseil de sécurité de l'ONU, l'Union européenne, l'Union africaine, la France et les Etats-Unis".
Le pouvoir gabonais refuse ce recomptage, invoquant la loi électorale du pays qui ne prévoit pas cette procédure.
Assis en bout de table, Jean Ping s'exprimait entouré de leaders de l'opposition relâchés peu de temps avant.
Une vingtaine d'entre eux étaient retenus par les forces de l'ordre à son QG de campagne depuis jeudi matin.Le bâtiment avait alors été pris d'assaut.A l'intérieur de l'immeuble, l'AFP a pu constater des impacts de balles et des traces de sang.
Après plus de 36 heures et une intervention de la France, les autorités gabonaises ont autorisé ces opposants à repartir vendredi soir.
Plus tôt vendredi, les "27" avaient lancé, par l'entremise de leur avocat en France, Me Eric Moutet, un appel à la communauté internationale dénonçant "leurs conditions de séquestration" et "le hold-up électoral" commis par le régime.
"Ils sont sortis, je pense que les pressions ont fini par payer", s'est réjoui Me Moutet à leur libération, espérant que "les centaines d'autres qui ont été arrêtés" le seraient bientôt.
L'un des opposants séquestrés, Paul-Marie Gondjout, avait annoncé qu'ils allaient "saisir la Cour constitutionnelle et demander à la Cenap (la commission électorale, ndlr) de recompter les voix".
- 5 civils tués -
Dans tout le pays, la tension était extrême: deux hommes ont été tués par balle dans le quartier de Nzeng Ayong dans la nuit de vendredi, lors d'affrontements entre manifestants et forces de l'ordre, selon deux journalistes de l'AFP.
"Ils ont trouvé mon fils devant la porte, sur la route.Une voiture noire est arrivée.Ils ont baissé la vitre, ils étaient deux, ils ont tiré deux coups", a déclaré la mère de l'un d'entre eux à l'AFPTV.
Ces deux décès portent à cinq le nombre de victimes recensées depuis le début des troubles mercredi après-midi, juste après l'annonce de la réélection contestée d'Ali Bongo.
Les affrontements ont fait trois blessés parmi les forces de l'ordre et "entre trois et cinq morts" parmi les manifestants, a reconnu vendredi soir le porte-parole du gouvernement gabonais, Alain-Claude Bilie-By-Nze, de passage à Paris.Entre 800 et 1.100 personnes ont été interpellées dans l'ensemble du pays.
La situation est aussi tendue dans les quartiers périphériques qui s'étendent le long de l'unique route nationale reliant Libreville au reste du pays.
"On a entendu des coups de feu toute la nuit", a détaillé à l'AFP Nicolas, un menuisier de la périphérie de la capitale.
La pénurie de pain et de produits frais menace, les transports étant paralysés.Une situation aggravée par les pillages de commerces.
Plusieurs villes de province comme Oyem, Port-Gentil ou Bitam, ont elles aussi connu des troubles, notamment dans le nord, proche du Cameroun, où la situation est "particulièrement tendue", selon une source sécuritaire.
La Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme (Raddho), une ONG panafricaine basée à Dakar, a déploré vendredi une "inaction africaine" et appelé les camps adverses à "l'arrêt immédiat de l'escalade de la violence".
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