La commémoration de la "journée des martyrs" en Tunisie a dégénéré lundi avec la répression brutale d'une manifestation interdite, "une violence inacceptable" selon le président tunisien Moncef Marzouki qui a toutefois renvoyé dos à dos policiers et manifestants.
Les incidents entre policiers chassant sous une pluie de lacrymogènes des manifestants qui voulaient défiler sur la symbolique avenue Bourguiba, interdite aux rassemblements, ont duré plusieurs heures.Ils ont fait au moins 15 blessés côté manifestants, selon des sources hospitalières, et 8 dans les rangs des policiers, selon le ministère de l'Intérieur.
Dans la soirée, le président Marzouki dénoncé "un degré de violence inacceptable", déplorant "le bras de fer inacceptable entre l'Etat qui a interdit les manifestations sur l'avenue Bourguiba et ceux qui délibérément enfreignent cette interdiction".
Quelques heures auparavant, des Tunisiens incrédules avaient contemplé des scènes inédites depuis plusieurs mois dans la capitale: fumée de lacrymogènes, charges à moto ou en camion de policiers casqués et armés de matraques, manifestants interpellés brutalement, voire frappés.
Tout a commencé vers 10H00 sur l'emblématique avenue Bourguiba, interdite depuis le 28 mars aux rassemblements sur décision du ministère de l'Intérieur.
Répondant aux appels lancés sur les réseaux sociaux, des centaines de personnes, hommes, femmes, vieux et jeunes, se sont rassemblées pour commémorer "la journée des martyrs", en souvenir de la répression sanglante par les troupes françaises d'une manifestation à Tunis le 9 avril 1938, et réclamer la réouverture de l'avenue.
Dans une ambiance tendue, les manifestants, enroulés dans des drapeaux tunisiens et criant: "ni peur, ni terreur, l'avenue appartient au peuple", ont remonté l'avenue au pas de course.
"C'est nous qui avons libéré la Tunisie, ils n'ont pas le droit d'interdire des marches pacifiques", a déclaré à l'AFP Mohsen Ben Henda, un septuagénaire, avant que ne commencent les tirs nourris de lacrymogènes.
"Dégage!Dégage!"
Les gens se sont enfuis dans les rues avoisinantes ou se sont réfugiés dans les cafés de l'avenue, mais des groupes se sont rapidement reconstitués, notamment sur l'avenue Mohamed V, perpendiculaire à l'avenue Bourguiba.
Les gens criaient: "Dégage!Dégage!", reprenant le slogan de la révolution qui a renversé l'an dernier le président Zine El Abidine Ben Ali.
"C'est affreux ce qui se passe aujourd'hui", disait, au bord des larmes, une avocate, Yamina."Nous sommes pacifiques, et ils nous interdisent l'avenue Bourguiba alors qu'ils l'ont livrée aux salafistes", criait-elle.
L'avenue est interdite aux rassemblements depuis des incidents lors d'une manifestation d'islamistes qui s'en étaient pris à des artistes.
Samedi déjà, une manifestation de diplômés chômeurs qui tentaient d'accéder à l'avenue avait été violemment dispersée.
"Je suis consterné.Les gens que la révolution a amenés au pouvoir sont aujourd'hui ceux qui nous empêchent de manifester", a déclaré à l'AFP l'ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme Mokhtar Trifi.
"C'est une journée vraiment triste", a-t-il ajouté.
"Regardez, c'est ça la Tunisie de la liberté, la Tunisie d'Ennahda", le parti islamiste au pouvoir depuis les élections d'octobre dernier, lâchait un autre manifestant.
Deux journalistes, la correspondante de l'hebdomadaire français Le Point et la rédactrice en chef du site tunisien Kapitalis, ont été molestées par des policiers.
Selon le porte-parole du ministère de l'Intérieur Khaled Tarrouche, en tirant des gaz lacrymogènes, les forces de l'ordre "voulaient éviter de pires affrontements".Les manifestants ont jeté des projectiles et une bouteille incendiaire a détruit un car de police, a-t-il souligné.
Lors d'une cérémonie tenue hors du centre dans une atmosphère de kermesse, le leader d'Ennahda, Rached Ghannouchi, a appelé les Tunisiens à "donner sa chance" au gouvernement.Il n'a pas fait la moindre allusion aux incidents.
Le parti de gauche Ettakatol, allié aux islamistes, a de son côté demandé l'ouverture d'une enquête et "exigé l'identification des civils douteux qui ont participé à la répression des manifestants".
Plusieurs personnalités ont mis en cause des "milices" d'Ennahda, ce qu'a démenti le parti islamiste.
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