Profs en brassards rouges, gardiens sur les dents: les examens semestriels ont démarré mardi dans une ambiance tendue à la faculté de la Manouba, près de Tunis, au coeur depuis deux mois d'un bras de fer autour du port du voile islamique intégral.
Mardi matin, le portail de la faculté est fermé et l'accès des étudiants sévèrement filtré.La Manouba est pour cinq jours "centre d'examens fermé".
A l'entrée, gardiens et professeurs arrêtent les filles revêtues du niqab.Elles ont le choix: s'engager par écrit à dévoiler leur visage dans la salle d'examen ou rentrer chez elles.
Certaines acceptent le compromis.Intransigeante, Noura, voilée de noir de pied en cap, n'hésite pas à boycotter l'épreuve et fait demi-tour.
Au même moment, un, deux, trois salafistes essayent tour à tour d'escalader la grille de quatre mètres pour contourner le filtrage.
La foule se forme.Des agents de police observent imperturbables les altercations."Nous n'avons pas le droit d'intervenir à la fac sans ordre", affirme un gendarme au volant de son véhicule stationné à quelques mètres.
Des parents alerté par la radio arrivent en catastrophe.
"J'ai appris sur Mosaïque FM que les examens sont suspendus à cause des violences", affirme Zbida, rajustant son écharpe pour se protéger du vent et la pluie qui balayent la Manouba, zone agricole à 25 km à l'ouest de Tunis.
"Ma fille étudie l'anglais, elle n'est pas voilée, j'ai peur, ils veulent faire capoter les examens, la faire condamner à la vaisselle", peste-t-elle, avant d'être rassuré sur le déroulement normal de l'épreuve d'anglais.
C'est dans le département d'arabe du campus, déclaré "centre d'examen" et interdit à la presse que l'incident le plus violent s'est produit, selon des témoins.
Suite à l'expulsion d'une étudiante qui refusait d'ôter son niqab, "une cinquantaine de salafistes ont cassé la porte et brisé les vitres du département d'arabe, des profs ont été molestés et insultés", témoigne Iqbal Laouini, une étudiante.
"Le gouvernement Jebali nous laisse face à la terreur et la violence, les enseignants sont les seuls à faire le sale boulot, c'est honteux!", s'indigne pour sa part une enseignante, Fadila Laouani.
Un ouvrier a été blessé et un professeur d'arabe reste prisonnier dans la salle d'examen, alors que le doyen Habib Kazdaghli ne sait pas où donner de la tête.
M. Kazdaghli et les enseignants de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba ont décidé de "relever le défi" d'organiser ces examens semestriels pour quelque 13.000 inscrits et accusent les autorités gouvernementales de laxisme face à "la provocation salafiste".
Depuis près de deux mois, une dizaine d'étudiants en barbes et kamis (tenue à l'afghane) observent un sit-in pour exiger l'autorisation du niqab en classe pour les filles et un lieu de prière sur le campus.
Dans une récente escalade, un groupe d'étudiantes en niqab ont entamé une grève de la faim.Lundi, seules quatre d'entre elles poursuivaient leur mouvement, selon le porte-parole de la contestation salafiste, Mohamed Bakhti.
Etudiant en histoire, il a, lui, passé son examen lundi.
"L'épreuve a été perturbée par les incidents sur le campus, mais inchallah nous poursuivrons notre sit-in", dit-il calmement à l'AFP.
Réputée comme un bastion de la gauche tunisienne, la faculté est depuis le 28 novembre la cible de radicaux salafistes qui perturbent le déroulement des cours, entraînant leur suspension provisoire pendant trois semaines jusqu'au 9 janvier.
"C'est l'intransigeance des uns et des autres qui va nous perdre", soupire un enseignant, parlant à l'AFP sous couvert d'anonymat.
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