Les dirigeants tunisiens ont été chassés vendredi par des manifestants d'un syndicat policier lors d'une cérémonie en hommage à deux gendarmes tués par un groupe armé, une action témoignant du malaise des forces luttant contre la mouvance jihadiste.
Le chef de l'Etat tunisien Moncef Marzouki, le Premier ministre Ali Larayedh et le président de l'Assemblée nationale constituante (ANC) Mustapha Ben Jaafar ont été conspués par les protestataires, en uniformes et en civil, alors qu'ils devaient participer à un hommage solennel aux gendarmes à la caserne de L'Aouina, en banlieue de Tunis.
Des dizaines de membres du Syndicat des forces de sûreté intérieure ont scandé "dégage, dégage" à l'adresse des dirigeants tunisiens, le slogan phare de la révolution de janvier 2011, a constaté un photographe de l'AFP.
"On n'accepte plus la présence de politiciens", a lancé l'un de ces agents.
Après une vingtaine de minutes de quolibets, les trois dirigeants, qui attendaient dans un bureau de la caserne, sont finalement repartis sans assister à la cérémonie et sans dire un mot.
Le commandant de la Garde nationale, Mounir Ksiksi a condamné le comportement de ses subordonnés et promis des poursuites judiciaires.
"Ces comportements feront l'objet de poursuites administratives et judiciaires", a-t-il déclaré à l'antenne de la radio Mosaïque FM.
"On peut comprendre que les agents soient sous le coup de la perte de leurs collègues (...) mais nous n'acceptons pas de tels comportements, la prise à partie des dirigeants", a ajouté l'officier.
Ni le gouvernement, ni la présidence n'ont pour leur part réagi.
Seul le ministre de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou a pu assister à la cérémonie dédiée aux deux gendarmes tués jeudi par un groupe armé dans la région de Béja (70 km à l'ouest de Tunis.)
Ses services avaient annoncé dans la matinée que "plusieurs terroristes" avaient été tués lors d'une opération pour neutraliser le groupe soupçonné d'être responsable de l'attaque.
Les syndicats des forces de l'ordre ont par le passé organisé des manifestations devant l'ANC et le ministère de l'Intérieur pour dénoncer le manque de moyens pour lutter contre les groupes liés à la mouvance jihadiste qui ont connu un essor inquiétant depuis la révolution de janvier 2011.
Mais c'est la première fois que les dirigeants tunisiens sont ainsi chassés par des représentants des forces qu'ils commandent.
MM.Marzouki et Ben Jaafar avaient déjà dû fuir une cérémonie officielle marquant le deuxième anniversaire du début de la révolution, après avoir été visé par des jets de pierre de manifestants en décembre 2012 à Sidi Bouzid, berceau de la révolte.
Manque de moyens
Le ministère de la Défense avait reconnu cet été manquer de moyens, et notamment admis ne pas disposer des outils nécessaires pour déminer le mont Chaambi, un massif montagneux près de l'Algérie où un groupe qui serait lié à Al-Qaïda est actif.Une quinzaine de militaires et policiers y ont été tués et de nombreux autres blessés ces derniers mois, notamment par des engins explosifs artisanaux.
Une vaste opération militaire y a été lancée en juillet sans pour autant parvenir à neutraliser le groupe.
Les gendarmes tués jeudi ont pour leur part été attaqués par un autre groupe, qualifié de "terroriste" par Tunis, alors qu'ils vérifiaient une information faisant état d'hommes armés dans une maison du district de Goubellat.
Les autorités n'avaient pas signalé jusqu'à présent la présence de combattants clandestins dans cette zone.
Le ministère de l'Intérieur a indiqué vendredi à l'AFP avoir tué "plusieurs terroristes" lors d'une importante opération pour éliminer ce groupe, qui serait composé d'une vingtaine de personnes.
"Les forces spéciales du ministère de l'Intérieur, de la garde nationale (gendarmerie, ndlr) et de l'armée participent à cette opération.Elle a commencé avec un bombardement aérien et maintenant nous sommes dans la phase terrestre", a indiqué le porte-parole du ministère, Mohamed Ali Aroui.
La Tunisie peine à se stabiliser depuis la révolution de janvier 2011 qui a renversé le président Zine El Abidine Ben Ali.
Le pays est plongé dans une profonde crise politique depuis la fin juillet et l'assassinat du député Mohamed Brahmi attribué à un commando jihadiste.
L'opposition reproche au gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda d'avoir fait preuve de laxisme face à la mouvance salafiste.
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