La Tunisie est entrée dimanche dans le pluralisme syndical avec la naissance de la Confédération Générale Tunisienne du Travail (CGTT), une centrale de gauche interdite sous le régime du président Ben Ali chassé du pouvoir en janvier sous la pression de la rue.
La CGTT a vu le jour officiellement à Nabeul (nord-est) lors d'un congrès constitutif qui inaugurait le pluralisme syndical pour la première fois depuis l'indépendance de la Tunisie en 1956.
Cette naissance intervenait dix mois après la chute de Ben Ali dont le régime et ses alliés au sein de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT, centrale historique unique) bloquaient la légalisation de la CGTT.
La CGTT se présente comme "un contre-pouvoir totalement indépendant et démocratique avec des orientations modernistes", a indiqué à l'AFP son fondateur et secrétaire général élu, Habib Guiza.
"Pour nous le droit syndical s'inscrit dans la défense des libertés individuelles et fondamentales dans un Etat démocratique et civil, où les hommes et les femmes sont égaux", a-t-il expliqué, en allusion au risque de régression des droits des Tunisiennes avec l'émergence du parti islamiste Ennahda, vainqueur de la première élection de l'après Ben Ali le 23 octobre.
"Une nouvelle génération de syndicalistes ayant pour la plupart moins de 40 ans dont des femmes forment les structures dirigeantes élues dimanche", a précisé le président du congrès, Mohamed Chaari, parlant d'un "moment historique".
Fondée en 2006 mais interdite sous l'ancien régime, ses dirigeants revendiquent un ancrage dans la ligne de son ancêtre la CGTT de Mohamed Ali Hammi, leader nationaliste et fondateur en 1924 du premier syndicat de la Tunisie sous protectorat français jusqu'en 1956.
Pour Habib Guiza, la nouvelle CGTT aura trois missions prioritaires, à savoir la promotion d'un "syndicalisme moderne et démocratique", la révision des relations professionnelles dans le cadre du pluralisme et la lutte contre l'exclusion et le chômage galopant en Tunisie.
Lors de son congrès, l'organisation a prôné l'instauration d'un fonds pour le chômage (18% en moyenne) qui frappe particulièrement les régions pauvres et enclavées de la Tunisie, d'où est parti le soulèvement populaire de 2010/2011.
"Nous sommes très préoccupés par le chômage, mais aussi par la situation difficiles des entreprises avec lesquelles nous devons revoir les structures de dialogue à l'échelle nationale", a affirmé M. Guiza.
Selon lui, le système de production actuel ne jugulera pas le chômage en Tunisie, "il faut innover en intégrant les nouvelles technologies", a préconisé ce dirigeant partisan d'une "économie sociale de marché".
"Notre congrès a été un exercice réussi de démocratie dans le sillage de la révolution pour (...) la rupture avec la corruption et le népotisme qui ont rongé le pays sous Ben Ali, a-t-il dit.
"La probité doit être le critère de choix des responsables", a estimé M. Chaari en écho aux débats du congrès sur le pillage des ressources du pays par les proches de Ben Ali et son épouse Leila Trabelsi.
Avec une croissance nulle en 2011, la CGTT se dit prête de "travailler avec tous les élus de l'assemblée constituante Indépendamment de leur appartenance politique".Ennhada y occupe 89 sur 217 sièges.
Selon Monique Boutrand secrétaire nationale de CFDT (France) présente, le congrès a connu "beaucoup de débats démocratiques qui visent à créer un nouvel exemple de la démocratie au sein du travail syndical".
Le congrès a rassemblé des représentants des 30.000 adhérents revendiqués par la CGTT, des syndicats européens et de partis politiques tunisiens de gauche.
Jusqu'ici unique, la puissante centrale UGTT tiendra son congrès le 26 décembre, alors que son secrétaire général sortant était récemment au centre d'une controverse après la mention de son nom dans le rapport d'une commission d'enquête sur la corruption et les malversations sous l'ancien régime.
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