L'explosive affaire "Persepolis" revient lundi sous les projecteurs en Tunisie, avec la reprise du procès de la chaîne Nessma pour "atteinte aux valeurs du sacré" après la diffusion du film franco-iranien qui avait provoqué des violences islamistes en octobre.
Deux mois après une première audience chaotique, le directeur de Nessma, Nabil Karoui, comparaît à nouveau devant le tribunal de première instance de Tunis.Il est poursuivi pour "atteinte aux bonnes moeurs, atteinte aux valeurs du sacré et troubles à l'ordre public" dans cette affaire qui a suscité violences et passions en raison d'une scène montrant Dieu, représentation proscrite par l'islam.
Un autre salarié de la chaîne et le responsable de la traduction du film en dialecte tunisien du film franco-iranien de Marjane Satrapi, primé à Cannes en 2007, sont également poursuivis.
"Je suis combatif, on va se défendre et on espère être relaxés", a déclaré vendredi M. Karoui à l'AFP.
"Ce procès n'aurait jamais dû avoir lieu.Mais ce sera un test pour la liberté d'expression et la démocratie en Tunisie", a-t-il ajouté.
L'organisation Amnesty International appelé samedi à l'arrêt des poursuites contre le patron de Nesma les qualifiant d'"affront à la liberté d'expression".
"Juger Nabil Karoui pour le seul fait d'avoir diffuser un film contenant une représentation imaginaire de Dieu est extrêmement troublant", a dit Philip Luther, responsable d'AI dans un communiqué publié à Londres.
"Les autorités tunisiennes doivent rétablir Nabil Karoui dans son droit et abandonner immédiatement les charges retenues à son encontre lui", a ajouté M. Luther.
La diffusion le 7 octobre par Nessma TV de Persepolis, film d'animation racontant la révolution iranienne et le régime Khomeiny à travers les yeux d'une fillette, avait suscité une vague de violences et de colère, quinze jours avant les élections en Tunisie.
En cause: la scène montrant Dieu, mais aussi une traduction "vulgaire" du film en dialecte tunisien.
Des groupes d'extrémistes avaient tenté d'attaquer le 9 octobre le siège de la chaîne à Tunis.Nabil Karoui s'était alors "excusé" pour la diffusion de la scène controversée, mais les manifestations, à l'instigation de groupes salafistes, s'étaient poursuivies.Le 14 octobre des assaillants avaient jeté des cocktails molotov sur la maison du patron de la chaîne, alors absent.
Dans le contexte électoral de l'époque, Nessma s'était vue accusée d'avoir fait de la "provocation" et la plupart des partis politiques, dont les islamistes d'Ennahda avaient mollement condamné les violences.
"Personne n'a vu ce film!Il a fait entre 1,5 et 2% d'audience!Et on veut nous faire croire que toute la Tunisie a été choquée", s'est indigné M. Karoui, en dénonçant une "manipulation des extrémistes".
Plusieurs ténors du barreau, dont l'avocate militante des droits de l'Homme Radhia Nasraoui, devraient plaider lundi pour Nessma, et des observateurs d'ONG internationales seront présents.
Côté partie civile, quelque 35 avocats seront à la barre pour réclamer une condamnation "au moins par principe", selon Me Anouar Ouled Ali, membre de l'association tunisienne des jeunes avocats, proche des islamistes.
"Tout le monde est libre de dire ce qu'il pense mais il ne faut pas attaquer les croyances religieuses, ce film était très choquant pour une société tunisienne musulmane à plus de 99%", a-t-il déclaré à l'AFP.
"Nessma a dépassé les limites.Nous avons reçu des protestations de simples citoyens qui disent que cette chaîne ne respecte pas Dieu", a-t-il ajouté, évoquant une pétition de près de 100.000 signatures.
Interrogé sur le fait que le film avait déjà été diffusé en salles en Tunisie sans soulever la moindre protestation, l'avocat a répondu que la diffusion à la télé et en dialecte tunisien avait touché un public beaucoup plus important.
La plainte contre Nessma avait été déposée quelques jours après la diffusion par un collectif de plus d'une centaine d'avocats, auquel se sont ensuite greffés des associations ou des particuliers.
Le jugement pourrait être mis en délibéré, selon une source judiciaire, qui évoque la "situation délicate" en Tunisie, où les pressions salafistes s'accroissent dans un contexte de grave crise sociale.
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