La promesse samedi du parti islamiste tunisien Ennahda de céder la place à un gouvernement d'indépendants suscite un mélange de satisfaction et de méfiance parmi les observateurs et l'opposition, certains craignant déjà des man�?uvres pour dénaturer cet engagement.
Si le chef du parti, Rached Ghannouchi, a fini samedi par signer une "feuille de route" de sortie de crise prévoyant le remplacement par des indépendants de la coalition gouvernementale d'ici la fin du mois, des voix au sein d'Ennahda ont immédiatement minimisé la portée du calendrier.
"La date de la démission du gouvernement ne va être déterminée qu'à partir du début réel du dialogue" national, a dit à l'AFP un des dirigeants d'Ennahda, Abdelhamid Jlassi.
Pour lui, ce "dialogue national" réunissant tous les partis commencera à une date encore inconnue, toutes les réunions prévues à partir de lundi n'étant que des "séances préliminaires".
Dès lors, malgré la satisfaction d'avoir arraché cette promesse, après deux mois de crise politique et de boycott de l'Assemblée nationale Constituante (ANC), des opposants se disent méfiants.
"Avec Ennahda c'est toujours anguille sous roche et double langage.On les entend dire une chose puis démentir", relève Selim Ben Abdesselem, député du parti Nidaa Tounes appartenant à la coalition d'opposition formée après l'assassinat le 25 juillet de l'opposant Mohamed Brahmi.
Et les sources de blocage des négociations peuvent être nombreuses : l'identité du Premier ministre et de ses ministres, les prérogatives du futur gouvernement, le contenu de la future Constitution qui sera négociée en parallèle, les dates des prochaines élections...
"Le nouveau chef du gouvernement ne doit pas avoir le couteau sous la gorge (...) ses prérogatives sont en jeu, il doit pouvoir nommer et limoger les hauts fonctionnaires, les gouverneurs, les responsables des logements sociaux etc.", insiste le député qui estime que les islamistes ont "mis la main sur l'appareil d'Etat".
L'opposition accuse en effet depuis des mois Ennahda d'avoir placé aux postes stratégiques en région des fidèles et manipuler les prochaines élections.
Néanmoins, des observateurs de la vie politique tunisienne estiment que le parti islamiste a fait un grand pas en avant en signifiant son désir de trouver une issue à la crise politique actuelle et enfin doter le pays d'institutions stables, près de trois ans après la révolution ayant renversé Zine el Abidine Ben Ali.
"Ca risque encore d'être dur, ça va encore durer, mais il y a une conviction chez (Rached Ghannouchi) qu'il n'y a pas d'alternative au dialogue", dit à l'AFP le journaliste politique Mourad Sellami.
"Le calendrier ne sera peut-être pas respecté mais ils vont quitter le pouvoir (...) la réalité est qu'Ennahda est d'accord pour faire des concessions que ses militants ne sont pas prêts à faire", poursuit-il.
Selon lui, l'essentiel pour les islamistes est que la transition au gouvernement se fasse avec l'adoption de la Constitution pour "qu'ils puissent au moins dire que leur mission est réussie".
Ennahda avait en effet remporté en octobre 2011 les premières élections libres de l'Histoire de la Tunisie mettant en place l'ANC pour rédiger en douze mois la loi fondamentale, un calendrier qui a pris un an de retard.
Entre-temps, les islamistes ont été considérablement fragilisés par d'incessants tiraillements politiques, une succession de conflits sociaux, d'âpres batailles parlementaires, l'essor d'une mouvance islamiste armée et une atonie persistante de l'économie nourrie par l'incertitude sur l'avenir de la Tunisie.
Mais des éditorialistes relevaient aussi dimanche que le succès de la passation de pouvoir à un gouvernement d'indépendants ne repose pas uniquement sur les islamistes mais l'ensemble de la classe politique.
"A l'évidence, il est maintenant interdit à tous les acteurs politiques (...) de trébucher, de faire fausse route ou de transformer l'espoir qui vient à peine d'éclore en déception ou en dialogue de sourds", analyse le quotidien La Presse.
"Avec la classe politique tunisienne, on n'est jamais à l'abri d'une mauvaise surprise, d'une déception.C'est qu'elle nous a habitué à rater les grands évènements et les opportunités de compromis", craint le journal Le Temps.
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