L'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd, il y a un an jeudi, a marqué le début d'une année de turbulences politiques et sécuritaires en Tunisie, qui commence tout juste à sortir de l'ornière avec l'adoption d'une nouvelle Constitution en janvier.
Le 6 février 2013, la Tunisie sous le choc se réveillait avec la nouvelle de l'assassinat de cet avocat et militant de tendance marxiste et panarabe de 48 ans, farouche critique des islamistes d'Ennahda alors aux commandes.
L'opposant a été tué devant chez lui de trois balles tirées à bout portant.L'assassinat est attribué par les autorités aux jihadistes d'Ansar Asharia, une organisation classée en août 2013 comme "terroriste" par la Tunisie mais qui n'a jamais revendiqué ce meurtre ni aucune autre attaque armée.Le tireur présumé n'a jamais été arrêté et le commanditaire n'a pas été identifié.Seuls des complices ont été emprisonnés.
Entre autres évènements, les proches du défunt prévoient jeudi une conférence de presse sur l'état de l'enquête et une veillée à la bougie sur l'avenue Habib Bourguiba, axe central de Tunis.
Une grande manifestation est prévue samedi pour rappeler que le 8 février 2013, jour de son enterrement, le pays avait été paralysé par une grève générale et que des dizaines de milliers de personnes avaient rendu un dernier hommage à l'opposant, un évènement qui avait pris des allures de manifestation contre Ennahda.
"On ne sait rien (de ce qui s'est réellement passé, ndlr).Tous les scénarios sont possibles", déclare à l'AFP Basma Khalfaoui, la veuve de Chokri Belaïd, qui avait publiquement accusé Ennahda d'avoir assassiné son mari.
Aujourd'hui, elle affirme que les islamistes sont au moins coupables d'avoir "caché" des documents essentiels à l'enquête.
Quand à l'engagement du nouveau chef du gouvernement, l'indépendant Mehdi Jomaâ, à "dévoiler la vérité et à traduire tous les coupables en justice", Basma Khalfaoui dit attendre un geste fort.
'Nous jugerons sur pièces'
"Nous ne croyons plus aux engagements.Nous jugerons sur pièces", a-t-elle dit.
Sur le plan sécuritaire, la mort de Chokri Belaïd a été un tournant pour la Tunisie, qui a vu une vingtaine de militaires et de gendarmes mourir dans des heurts avec des groupes jihadistes en 2013, en particulier à la frontière algérienne.Mais ce crime est aussi pour l'opposition la preuve du laxisme dont a fait preuve Ennahda face à la mouvance jihadiste, qui connaît un essor certain depuis la révolution de 2011.
Pour sortir de l'impasse, le Premier ministre de l'époque, l'islamiste Hamadi Jebali a tenté de former un cabinet de technocrates, avant de démissionner face à l'opposition de son parti.A la grande colère de la famille de Chokri Belaïd et de l'opposition, c'est le ministre de l'Intérieur Ali Larayedh qui est promu à la tête du gouvernement.
A l'époque, Rached Ghannouchi, le chef du parti islamiste, l'assure: "Ennahda se porte bien (...) et ne cèdera jamais le pouvoir tant qu'elle bénéficie de la confiance du peuple et de la légitimité des urnes".
Mais un an plus tard, M. Larayedh a cédé sa place à un gouvernement apolitique mené par l'ex-ministre de l'Industrie Mehdi Jomaâ, conséquence de l'assassinat du député d'opposition Mohamed Brahmi le 25 juillet 2013.
Entre juillet et décembre, la vie politique et institutionnelle a été en effet paralysée par le bras de fer que se livrent Ennahda et ses détracteurs, provoquant la suspension des prêts des bailleurs internationaux et une grogne sociale croissante tandis que les violences jihadistes continuent.
Ce n'est qu'après des mois de négociations pénibles, ponctuées par des manifestations de l'opposition et la suspension des travaux de l'Assemblée constituante, que le gouvernement rend son tablier, une fois la Constitution adoptée le 26 janvier, soit plus de trois ans après la révolution.
Pour des journaux tunisiens, il aura donc fallu les assassinats de deux opposants et le coup d'Etat de l'armée égyptienne contre le président issu des Frères musulmans pour que les islamistes tunisiens acceptent le compromis avec l'opposition.Le quotidien Essabah juge ainsi qu'Ennahda a "tiré les leçons" de ces évènements, en renonçant "à ses tendances hégémoniques" pour finalement réussir à "absorber la crise".
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