Et malgré l'annonce par l'ONU d'un accord de principe entre représentants militaires des deux camps rivaux libyens réunis à Genève de transformer la "trêve" dans les combats en un "cessez-le-feu durable", la population semble ne plus y croire.
"Depuis la chute de (Mouammar) Kadhafi (en 2011), les Libyens ont permis à des étrangers de s'immiscer dans leurs affaires et n'arrivent plus à s’en dépêtrer", regrette Nouri Bengharsa, fonctionnaire d'Etat, à l'AFP.
Les hommes politiques "ont contribué à cette dépendance, incapables de dialoguer dans leur pays mais qui se précipitent vers les capitales étrangères où on leur dicte des agendas précis", ajoute-t-il en faisant ses courses dans un marché de légumes de Janzour, dans la banlieue ouest de Tripoli.
Dans ce contexte, l'issue de la crise se joue à Ankara, Moscou, Abou Dhabi ou encore à Paris.Mais sûrement plus en Libye, et encore moins à New York, où le Conseil de sécurité de l'ONU divisé sur ce dossier s'est montré incapable jusqu'ici d'adopter la moindre résolution sur le dernier épisode du conflit.
La Libye, qui dispose des réserves de pétrole les plus abondantes d'Afrique, est plongée dans le chaos depuis la chute du régime Kadhafi après une révolte populaire et une intervention militaire menée par la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.
- "Grande bataille" -
Depuis avril 2019, des combats ont opposé aux portes de Tripoli (ouest) les troupes du gouvernement d'union nationale (GNA), soutenu par l'ONU, et les forces du maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l'est libyen, qui ont lancé une offensive pour conquérir la capitale.
Le maréchal Haftar est appuyé principalement par les Emirats arabes unis, l'Egypte et la Russie, tandis que Fayez al-Sarraj, chef du GNA, compte comme principal soutien la Turquie.
Sur le marché de légumes de Janzour, non loin de Nouri Bengharsa, un vendeur, Salem al-Mahmoudi, semble appuyer les propos du fonctionnaire.
La communauté internationale "n'a pas réussi à dompter" les pays qui soutiennent Khalifa Haftar ou le GNA, dit-il.Et ces pays "profitent de la trêve" actuelle pour dépêcher de nouveaux renforts militaires dans l'optique d'une "grande bataille" à Tripoli.
En dépit de cette trêve instaurée le 12 janvier et malgré les promesses faites lors de la conférence internationale à Berlin le 19 janvier, de cesser les ingérences, d'encourager les négociations et de respecter l'embargo sur les armes, des combats sporadiques ont lieu quotidiennement aux portes de Tripoli et les armes continuent d'affluer.
"Les aéroports et ports libyens servent à transférer des armes et des combattants au vu et au su de la communauté internationale (...) qui n'ose même pas nommer les Etats alimentant le conflit", affirme M. Mahmoudi.
Dès lors, "les parties libyennes en conflit estiment que la solution militaire est la seule à la crise", renchérit ce commerçant quinquagénaire.
- "Repaire de mercenaires" -
Mardi, l'émissaire de l'ONU Ghassan Salamé a lui-même encore dénoncé le fait que "de nouveaux mercenaires, de nouveaux équipements sont en train d'arriver pour les deux parties", en violation des engagements pris à Berlin.
Pour Ibtissam al-Mezoueghi, la Libye est bien "en passe de devenir une autre Syrie" avec un territoire "divisé en zones d'influences étrangères", un scenario que les Européens ont dit redouter.
"A Berlin et Genève, il n’est pas question de mettre fin à la guerre, mais mettre les dernières touches aux zones d'influences des protagonistes internationaux", clame cette retraitée de la fonction publique et mère de quatre enfants.
Mais pour Mme Mezoueghi, dépitée, "les Libyens ont perdu la main.C'est trop tard".
Il n'y a "plus d'espoir", dit Mohamad al-Barouni.Pour cet étudiant âgé d'une vingtaine d'années, les Etats soutenant les camps rivaux libyens ne se cachent même plus: ils envoient leurs renforts en armes et en mercenaires, "sans honte ni crainte".
"Au bout de dix mois d'affrontements (...), la capitale et sa banlieue sont devenus un repaire de mercenaires où les armes affluent au grand jour."
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