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Paris : la mairie va débaptiser l’avenue du Maréchal Bugeaud, figure de la colonisation de l'Algérie par la France au XIXe siècle

“Bugeaud a été l’un des plus violents colonisateurs lors de la conquête de l’Algérie en 1830” affirme l’historien français, spécialiste de la colonisation française, Gilles Manceron.

Avenue du Maréchal Bugeaud dans le 16eme arrondissement de Paris

10 octobre 2024 à 14h12 par Nadir Djennad

Ecoutez l'historien français Gilles Manceron

La mairie de Paris va débaptiser, lundi 14 octobre 2024 à 14h45 , l’avenue du nom du maréchal Thomas Robert Bugeaud, dans le 16eme arrondissement. Elle portera le nom d'un résistant de la Seconde guerre mondiale, Hubert Germain. Gouverneur général de l'Algérie pendant la période coloniale, le Maréchal Bugeaud ( 1784-1849 ) a joué un rôle décisif dans la colonisation et la répression des mouvements de résistance algérienne. Selon plusieurs historiens, il met en pratique de son propre chef les « enfumades », qui consistaient à asphyxier les populations pour accélérer la conquête des territoires. Ces véritables crimes de guerre font scandale dès son époque : même en France, ses contemporains sont scandalisés et jugent ses actions comme des atrocités.“ Bugeaud a été l’un des plus violents colonisateurs lors de la conquête de l’Algerie en 1830” déclare l’historien français Gilles Manceron, spécialiste de la colonisation française.  

Le Maréchal Thomas Robert Bugeaud

La maire PS de Paris, Anne Hidalgo, avait annoncé son intention de débaptiser l'avenue Bugeaud en novembre 2023, en raison du "rôle éminemment néfaste" joué par le maréchal. En Algérie, dans les années 1830-1840, il s'était "rendu coupable de ce qui serait aujourd'hui qualifié de crimes de guerre" selon la mairie de Paris. “ C’est un scandale que le nom de Bugeaud soit encore affecté à des voies publiques de la France d’aujourd’hui ”affirme Gilles Manceron qui salue la décision de la mairie de Paris. 

L'historien français Gilles Manceron

L'avenue prochainement inaugurée s'appellera Hubert Germain, qui s'était engagé dans les Forces françaises libres dès juin 1940 et a participé au débarquement de Provence en 1944. A travers ce changement de nom, la Ville de Paris souhaite "rendre un dernier hommage" à ce résistant, qui était "l'ultime survivant des Compagnons de la Libération" à son décès en 2021, a expliqué la maire de Paris Anne Hidalgo, dans un communiqué diffusé mercredi. 

Hubert Germain

Quatre lieux ont déjà été débaptisés à Paris depuis 2001. 

En 2001, dans les 1er et 8e arrondissements, la rue Richepanse, du nom d'un général de l'armée expéditionnaire de la Guadeloupe, chargé d'y rétablir l'esclavage, est devenue rue du Chevalier de Saint-George, rendant hommage à un compositeur, escrimeur et musicien français (1745-1799) né esclave à la Guadeloupe. 

En 2002, dans le 15e, la rue Alexis Carrel, chirurgien et biologiste promoteur de l’eugénisme, fasciste et admirateur du nazisme, a pris le nom de Jean-Pierre Bloch (1905-1999), ministre du général de Gaulle et président d'honneur de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra). 

En 2003, dans le 18e, le square Willette qui rappelait la mémoire d'Adolphe Willette, peintre et dessinateur connu pour son engagement antisémite, est devenu square Louise Michel, figure majeure de la Commune de Paris. 

En 2013, dans le 12e arrondissement, le collège Vincent d’Indy (ce compositeur français a pris des positions anti-dreyfusardes et antisémites) a été rebaptisé collège Germaine Tillion, pour rendre hommage à cette grande résistante (1907-2008). 

Certains élus de Paris ont montré leurs réticences à débaptiser des rues : "qu'on vienne dénoncer (le colonialisme) aujourd'hui, oui. Le gommer complètement, c'est absurde et n'aidera personne", a plaidé l'élu de droite (LR) Francis Szpiner. 

Avec AFP