Il y a un an jour pour jour, le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, rompait tous les engagements pris deux ans auparavant au Soudan.
A l'aube, il faisait arrêter les dirigeants civils avec lesquels il avait accepté de partager le pouvoir quand, en 2019, l'armée avait été forcée par la rue de déposer l'un des siens, le dictateur Omar el-Béchir.
Depuis, les pro-démocratie bravent chaque semaine la répression.Dimanche de nouveau, un manifestant a été tué par une balle des forces de sécurité, selon des médecins.
En un an, 118 protestataires ont été tués alors qu'ils réclamaient le retour au pouvoir des civils --condition sine qua non pour la reprise de l'aide internationale interrompue en rétorsion au putsch.
Car la situation économique du pays, l'un des plus pauvres au monde, est catastrophique.
- "La révolution continue" -
Entre inflation à trois chiffres et pénuries alimentaires, un tiers des 45 millions d'habitants souffrent de la faim.C'est 50% de plus qu'il y a un an, souligne le Programme alimentaire mondial (PAM).
Le prix du panier alimentaire minimum a augmenté de 137% en un an, forçant quasiment tous les foyers à "consacrer plus des deux tiers de leurs revenus à la nourriture", ajoute l'organisme onusien.
Outre la question du pouvoir d'achat, préoccupation numéro un des Soudanais, nombreux sont ceux qui s'inquiètent, trois ans après la "révolution" de 2019, du retour de la dictature islamo-militaire.
Car depuis le putsch, plusieurs fidèles de Béchir ont retrouvé leurs postes, notamment à la Justice --qui mène actuellement le procès de l'ancien dictateur.
Le pays nage dans l'incertitude: aucun observateur n'imagine possible la tenue des élections promises à l'été 2023, aucune figure politique ne semble jusqu'ici prête à rejoindre le gouvernement civil régulièrement promis par le général Burhane et les médiations internationales et feuilles de route proposées localement n'ont jusqu'ici mené à aucun résultat.
"Le Soudan n'a pas le luxe de se permettre des jeux à somme nulle et des manoeuvres politiques", exhortait samedi Volker Perthes, l'émissaire de l'ONU au Soudan."Les acteurs politiques doivent mettre leurs différends de côté et se concentrer sur l'intérêt des Soudanais".
Vendredi, des milliers d'entre eux avaient déjà pris la rue pour dire "non au pouvoir militaire" et commémorer le 58e anniversaire de la première "révolution" ayant renversé un pouvoir militaire.Une gageure dans un pays à l'histoire rythmée par les coups d'Etat et quasiment sans discontinuer sous la coupe de généraux.
Les appels à manifester mardi le proclament: "La révolution continue"."Les défilés du 25 octobre seront l'annonce de la fin de l'ère des putschistes, sans possibilité de retour, l'annonce de la constitution d'un Soudan civil et démocratique", promet le bloc pro-démocratie sur les multiples manifestes que les militants postent en ligne.
- Conflits meurtriers -
Les défilés de vendredi s'étaient soldés par 31 blessés, dont trois touchés à l'oeil par des grenades lacrymogènes, selon le syndicat de médecins qui recense les victimes de la répression depuis le putsch.
Lundi, les ambassades occidentales ont appelé "les autorités à respecter la liberté d'opinion et le droit de rassemblement pacifique".Et surtout à "ne pas utiliser la force, dans un communiqué "condamnant la mort d'un manifestant" dimanche.
Avec les forces de sécurité mobilisées pour ces défilés, les experts estiment que le vide sécuritaire dans le reste du pays a laissé prospérer les conflits tribaux.Ces combats à l'arme automatique généralement pour l'accès à la terre et à l'eau ont fait depuis le début de l'année près de 600 morts et plus de 210.000 déplacés, selon l'ONU.
Lundi, ils étaient plusieurs milliers à manifester au Nil Bleu, accusant les autorités locales de faillir à leur devoir de protection.
Selon l'ONU, dans cet Etat frontalier du Soudan du Sud et de l'Ethiopie, "250 personnes ont été tuées" la semaine dernière dans une nouvelle flambée de violence de ce genre.
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