Dans un discours prononcé en pleine nuit devant ses supporters, rassemblés au centre de Tunis, il a estimé que "les Tunisiens ont donné une leçon au monde, une leçon d'histoire"."Le référendum va permettre de passer d'une situation de désespoir à une situation d'espoir."
La Tunisie, confrontée à une crise économique, aggravée par le Covid et la guerre en Ukraine dont elle dépend pour ses importations de blé, est très polarisée depuis que M. Saied, élu démocratiquement en 2019, s'est emparé de tous les pouvoirs le 25 juillet 2021.
Les premiers résultats officiels ne sont pas attendus avant l'après-midi mais selon l'institut de sondage Sigma Conseil, le "oui" l'a emporté avec 92,3% des voix.
Puisque la plupart des grands partis d'opposition et en premier lieu le mouvement d'inspiration islamiste Ennahdha boycottait le scrutin de lundi, les yeux étaient rivés sur la participation qui a été très faible mais plus importante qu'attendu.
Sur la base de chiffres provisoires, 27,5% des 9,3 millions d'inscrits ont voté, dans un pays où l'abstention est traditionnellement très forte, avec une participation généralement sous les 40%.
Le Front du salut national, agrégation d'opposants dont fait partie Ennahdha, a estimé que "75% des Tunisiens ont refusé de donner leur approbation au projet putschiste lancé il y a un an par Kais Saied".
Pour l'analyste Youssef Cherif, la participation a été "bien au-delà des 10% (escomptés par certains analystes) mais bien en dessous des 50%.Et surtout la plupart des gens ont voté pour l'homme (Kais Saied) ou contre ses opposants mais pas pour son texte".
L'analyste Abdellatif Hannachi pense aussi que le vote était un test de la popularité de M. Saied, soulignant que même si "en surface, les chiffres (de participation) sont faibles, mais c'est tout à fait respectable compte tenu de la tenue du scrutin en été, pendant les vacances et en pleine chaleur".
Ce résultat va permettre à M. Saied "d'étendre son emprise sur le pays" et de "ne pas avoir d'égards pour les autres forces politiques", selon lui.
- Klaxons et drapeaux -
Dès l'annonce des estimations de Sigma Conseil sur la télévision nationale, des centaines de partisans du président sont descendus fêter "sa victoire" sur l'avenue Bourguiba, sonnant leurs klaxons ou brandissant le drapeau national.
Vers 01H00 GMT, Kais Saied s'est présenté devant la foule en liesse."La Tunisie est entrée dans une nouvelle phase", a-t-il affirmé, assurant que la participation "aurait été plus élevée si le vote s'était déroulé sur deux jours".
Les votants étaient surtout "les classes moyennes les plus lésées, les adultes qui se sentent floués économiquement, politiquement et socialement", a analysé pour l'AFP le directeur de Sigma Conseil, Hassen Zargouni.
La nouvelle loi fondamentale accorde de vastes prérogatives au chef de l'Etat, en rupture avec le système parlementaire en place depuis 2014.
Le président qui ne peut être destitué désigne le chef du gouvernement et les ministres et peut les révoquer à sa guise. Il peut soumettre au Parlement des textes législatifs qui ont "la priorité".Une deuxième chambre représentera les régions, en contrepoids de l'Assemblée des représentants (députés) actuelle.
Sadok Belaïd, le juriste chargé par M. Saied d'élaborer une ébauche de Constitution, a désavoué le texte final, estimant qu'il pourrait "ouvrir la voie à un régime dictatorial".
- "Tous les pouvoirs" -
Le président Saied, 64 ans, considère sa refonte de la Constitution comme le prolongement de la "correction de cap" engagée le 25 juillet 2021 quand, arguant des blocages politico-économiques, il avait limogé son Premier ministre et gelé le Parlement avant de le dissoudre en mars.
Le nouveau texte "donne presque tous les pouvoirs au président et démantèle tous les systèmes et institutions pouvant le contrôler", a dit à l'AFP Said Benarbia, directeur régional de la Commission internationale des juristes CIJ.
Si des espaces de liberté restent garantis, la question d'un retour à une dictature comme celle de Zine el Abidine Ben Ali, déchu en 2011 lors d'une révolte populaire, pourrait se poser "dans l'après Kais Saied", a dit M. Cherif à l'AFP.
Pour nombre d'experts, l'avenir politique de M. Saied dépendra aussi de sa capacité à relancer une économie en situation catastrophique avec un chômage très élevé, un pouvoir d'achat en chute libre et le taux de pauvreté qui augmente (4 millions de personnes).
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