Abandon de l'accord controversé sur les migrants par le Royaume-Uni : le Rwanda ne prévoit pas de rembourser les fonds déjà reçus

Mardi 9 juillet, le gouvernement rwandais a réagi à l’annonce de Keir Starmer, le nouveau Premier ministre britannique, d’annuler le projet d'expulsion vers le Rwanda des migrants arrivés illégalement sur les côtes anglaises. Le Rwanda a souligné que l’accord ne prévoyait pas de restitution de fonds.

Londres et Kigali avaient signé un accord sur l'immigration illégale en 2022 et 2023

Crédit : Number 10 / Flikr

10 juillet 2024 à 17h08 par Keisha MOUGANI

“L’accord avec le Rwanda était mort et enterré avant même de commencer, il n’a jamais eu un pouvoir de dissuasion”, déclarait Keir Starmer, le Premier ministre britannique, lors d’une conférence de presse samedi 6 juillet.


Deux jours après la victoire de son parti aux élections législatives anticipées, jeudi 4 juillet, le leader du Parti travailliste (centre gauche), a aussitôt pris la décision d’abandonner l’accord signé entre le Rwanda et le gouvernement conservateur de Boris Johnson, en 2022.  


Ce dernier prévoyait qu’à partir du 1er janvier 2022, les demandeurs d’asile arrivés illégalement au Royaume-Uni seraient expulsés vers le Rwanda. Le pays d’Afrique de l’Est devait accueillir, héberger et traiter les demandes d’asiles.


L’objectif du gouvernement britannique était de décourager les tentatives de traversées illégales de la Manche.   


L’accord a coûté au Royaume-Uni, 280 millions d’euros. 



Message reçu par le gouvernement rwandais, qui s’est exprimé mardi 9 juillet, après l’annonce du Premier ministre. "L'accord que nous avons signé ne stipulait pas que nous devrions rendre l'argent", a expliqué le porte-parole adjoint du gouvernement rwandais Alain Mukuralinda, à la télévision d'État.


Un accord controversé 


L'immigration est une question politique de plus en plus centrale depuis que la Grande-Bretagne a quitté l'Union européenne en 2020. Le discours des pro-Brexit était basé en grande partie sur la  promesse de reprendre le contrôle des frontières du pays.


Mais le nombre de traversées illégales de la Manche n'a fait qu'augmenter. De 9 551 tentatives en 2020, elle a atteint un pic en 2022 avec 45 774, avant de redescendre à 30 000, en 2023, selon les chiffres du gouvernement britannique. 


Les gouvernements conservateurs successifs ont voulu mettre en place des lois restrictives concernant l’immigration illégale et légale. 


En avril 2022, le gouvernement du Premier ministre Boris Johnson annonce le projet avec le Rwanda. Le projet s’appliquait à tous les clandestins d’où qu’ils viennent (Albanie,Iran, Syrie, Érythrée, etc.).


Le gouvernement rwandais de son côté précisait qu’il proposerait aux personnes accueillies de s’installer de manière permanente au Rwanda, si elles le souhaitent. 


Très vite le sujet a suscité la controverse à l’échelle nationale et internationale : de l'ONU aux Églises chrétiennes, les appels s'étaient ensuite multipliés pour exhorter le Royaume-Uni à renoncer à ce projet.


Un premier vol prévu en juin 2022 avait été annulé après une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).


La Cour suprême du Royaume-Uni avait statué en novembre 2023 que ce projet de loi, visé par une série de contestations devant la justice, était illégal au regard du droit international.


Le mois suivant, Londres et Kigali concluent un nouvel accord qui vise à répondre aux conclusions de la Cour suprême, qui avait jugé le projet initial illégal en novembre. La loi définit notamment le Rwanda comme un pays tiers sûr. Si le pays se présente comme l'un des pays les plus stables du continent africain, son président, Paul Kagame, est accusé de gouverner dans un climat de peur, étouffant la dissidence et la liberté d'expression.


En avril, le Parlement britannique approuve ce nouvel accord après une interminable bataille entre la Chambre des Lords - l’équivalent du Sénat - , réticente face à ce texte controversé, et la Chambre des communes.


(Avec AFP)