Freeman Mbowe, "homme libre" et voix forte de l'opposition en Tanzanie

Freeman Mbowe, libéré de prison vendredi après l'abandon d'accusations controversées de terrorisme à son encontre, est un des fondateurs il y a 30 ans du parti d'opposition tanzanien Chadema, devenu, grâce à son franc-parler, une figure de la contestation dans son pays.

4 mars 2022 à 16h21 par AFP



Dar es Salaam (AFP)

Ses parents l'ont fait baptiser en décembre 1961, au lendemain de l'indépendance de l'ancienne colonie britannique est-africaine du Tanganyika, qui a également inspiré le choix de son prénom ("homme libre" en anglais). 

Son père, homme d'affaires, a joué un rôle important dans le mouvement pour l'indépendance.

Il était un proche de Julius Nyerere, premier président du Tanganyika, avant de prendre ses distances avec lui face à la ligne de "socialisme africain" adoptée dans les années qui ont suivi la fusion du Tanganyika avec Zanzibar pour former la République de Tanzanie en 1964. 

Après son service militaire, Freeman Mbowe a travaillé durant quatre ans à la banque centrale tanzanienne, tout en faisant l'apprentissage de la gestion de l'entreprise familiale pendant son temps libre. 

Mais alors que la Tanzanie prenait un virage de plus en plus socialiste sous l'impulsion du parti au pouvoir Chama Cha Mapinduzi (CCM) de Nyerere, les demandes de réformes politiques se sont faites plus pressantes. 

- Condamnation en 2020 -

En 1992, le successeur de Nyerere, Ali Hassan Mwinyi, a ouvert la porte à une démocratie multipartite, permettant aux partis d'opposition de se présenter aux élections trois ans plus tard.

Freeman Mbowe était partisan d'une alternative de centre-droit au socialisme.

En mai 1992, à l'âge de 30 ans, il participe à la création du parti Chadema, acronyme de Chama cha Demokrasia na Maendeleo (Parti pour la démocratie et le progrès en swahili), dont il est le plus jeune des membres fondateurs.

Il est depuis 2004 le président de cette formation, devenue la principale force politique d'opposition dans le pays.

Mbowe s'est présenté à l'élection présidentielle de 2005, perdue face au candidat du CCM, mais a conservé son siège parlementaire jusqu'en 2020, année durant laquelle il a été battu lors de législatives contestées par son parti.

En mars 2020, lui et sept autres députés et responsables d'opposition ont été condamnés à payer 350 millions de shillings d'amende (137.000 euros) pour une manifestation interdite en février 2018. 

Ils étaient accusés de sédition, rassemblement illégal et incitation à la violence à l'occasion de ce rassemblement, durant lequel la police a tiré à balles réelles pour disperser la foule.Une étudiante de 22 ans, qui ne participait pas à la manifestation, avait été tuée par une balle perdue.

Cette marche avait été interdite par le gouvernement de l'ancien président John Magufuli, arrivé au pouvoir en 2015 et surnommé "le bulldozer" pour son style intransigeant et son refus de toute dissidence.

- "Catastrophe imminente" -

Mbowe était un féroce opposant à Magufuli, également critiqué pour minimiser l'impact de la pandémie de coronavirus et nier l'efficacité des vaccins.

"Le monde pleure et pleure la perte de vies ! L'économie mondiale s'effondre à un rythme sans précédent ! Notre économie en difficulté ne peut pas survivre dans l'isolement ! Combien de pertes de vies vous feront voir la catastrophe imminente !?", lançait ainsi Mbowe au président sur Twitter en avril 2020.

L'arrivée au pouvoir en mars 2021 de Samia Suluhu Hassan après le décès soudain de Magufuli avait suscité un certain optimisme, alors que la nouvelle dirigeante cherchait à rompre avec certaines politiques de son prédécesseur.

Mais l'arrestation de Mbowe et de plusieurs autres responsables de Chadema le 21 juillet, avant une réunion publique pour exiger une réforme constitutionnelle, avait signalé pour son parti le danger d'un retour aux heures sombres de l'ère Magufuli. 

Durant les plus de sept mois de détention de son dirigeant, Chadema a dénoncé une dérive vers la "dictature".

Mbowe et ses avocats n'ont cessé de dénoncer un procès "politique" et de demander l'abandon des accusations de terrorisme, selon eux "infondées". 

La communauté internationale, ainsi que la société civile, s'est montrée également préoccupée par le sort du principal leader de l'opposition en Tanzanie.

Vendredi, son procès a été arrêté, après que les procureurs ont annoncé renoncer à "poursuivre avec cette affaire".